Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/67

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— En vérité, mistress Dutton dit-il en riant, nous autres jeunes gens, il faudra que nous descendions tous sur les côtes des rochers, suspendus au bout d’une corde, pour inspirer quelque intérêt à miss Mildred, et afin qu’elle prenne notre défense quand nous aurons le dos tourné. Un panégyriste si éloquent, si aimable, si charmant, est presque toujours sûr du succès ; et mon oncle et moi nous devons admettre le droit du jeune marin absent à porter notre nom, quoique, grâce à Dieu, il ne tienne encore ni le titre ni le domaine.

— J’espère n’avoir rien dit qui puisse vous déplaire, sir Wycherly, dit Mildred, appuyant sur le mot « vous, » tandis que la rougeur qui lui couvrait les joues la rendait mille fois plus attrayante que jamais. Rien ne me ferait plus de peine que l’idée d’avoir fait une chose si inconvenante. Je voulais seulement dire que nous ne pouvons croire M. Wycherly Wychecombe capable d’avoir pris volontairement un nom auquel il n’aurait pas droit.

— Ma chère enfant, dit le baronnet, lui prenant la main et lui baisant le front avec une tendresse paternelle, comme il l’avait fait bien des fois, il ne vous serait pas facile de me déplaire et je vous assure que le jeune homme est le bienvenu à porter mes deux noms, si vous le désirez.

— Et je voulais seulement dire, miss Mildred, reprit Tom, qui craignait d’avoir été trop loin, que ce jeune homme, sans qu’il ait de sa faute, ignore probablement comment lui sont arrivés deux noms qui depuis si longtemps appartiennent au chef d’une ancienne et honorable famille. Il y a maint jeune homme qui est digne d’être comte, mais que la loi considère… Il s’arrêta pour chercher une expression convenable. Le baronnet acheva la phrase :

— Comme filius nullius, Tom. C’est le mot. Je le tiens de la bouche de votre propre père.

Tom tressaillit, et jeta un coup d’œil furtif autour de lui pour s’assurer si quelqu’un soupçonnait la vérité. Il reprit ensuite la parole, désirant regagner le terrain qu’il craignait d’avoir perdu dans les bonnes grâces de Mildred.

— Filius nullius, miss Mildred, signifie exactement ce que je voulais exprimer : une famille sans origine connue. On dit que, dans les colonies, rien n’est plus commun que de voir des gens prendre les noms des grandes familles d’Angleterre, et au bout d’un certain temps s’imaginer qu’ils en font partie.

— Je n’ai jamais entendu M. Wychecombe dire un seul mot tendant à nous faire supposer qu’il était de cette famille, Monsieur, répondit Mildred d’un ton calme, mais distinct.