Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/69

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— Sir Gervais a une réputation bien établie comme admirateur du beau sexe, dit le contre-amiral, recouvrant sa présence d’esprit au bout de quelques instants, et aucun de ses transports d’enthousiasme ne me surprend jamais. L’eau salée a produit sur lui l’effet ordinaire ; car je le connais depuis plus longtemps qu’il pourrait ne désirer qu’on le lui rappelle, et la seule maîtresse à laquelle il puisse rester fidèle est son vaisseau.

— Et l’on peut dire que je lui suis constant. Je ne sais s’il en est de même de vous, sir Wycherly, mais j’aime toute chose à laquelle je suis accoutumé. Par exemple, il y a si longtemps que je fais voile avec ces deux messieurs, que je penserais plutôt à me mettre en mer sans habitacle que sans eux. — Eh ! Atwood ? Quant à un vaisseau, il y a dix ans que mon pavillon flotte sur le Plantagenet, et je ne puis me résoudre à quitter cette vieille carcasse, quoique Bluewater, à ma place, l’eût donnée en commandement à un capitaine de vaisseau sous ses ordres, après trois ans de service. Je dis à tous les jeunes gens qu’ils ne restent pas assez longtemps à bord du même bâtiment pour en découvrir toutes les bonnes qualités. Je n’ai jamais encore été à bord d’un bâtiment qui fût mauvais voilier.

— Pour la raison toute simple que vous n’en montez jamais un bon sans le passer à un autre dès que vous avez commencé à l’user. Le fait est, sir Wycherly, que le Plantagenet est le meilleur voilier de tous les vaisseaux à deux ponts de Sa Majesté, et le vice-amiral le connaît trop bien pour le céder à l’un de nous, tant qu’il pourra flotter sur l’eau.

— Pensez-en ce qu’il vous plaira, sir Wycherly cela prouve seulement que je ne choisis pas mes amis pour leurs mauvaises qualités. — Mais permettez-moi de vous demander, jeune dame, si vous connaissez par hasard un certain M. Wycherly Wychecombe, qui porte les mêmes noms que notre respectable hôte, sans pourtant lui être parent à ce qu’il semble, et qui est lieutenant dans la marine de Sa Majesté ?

— Oui certainement, sir Gervais, répondit Mildred, en baissant les yeux et d’une voix tremblante, quoiqu’elle n’eût pu en dire la raison ; M. Wychecombe a déjà passé ici plusieurs mois, et nous le connaissons tous.

— En ce cas, peut-être pourrez-vous me dire s’il passe généralement pour un traîneur quand il a quelque devoir à remplir. Je ne demande pas s’il est négligent à vous rendre ses devoirs, mais je voudrais savoir, par exemple, si, monté sur un bon coursier, il est en état de faire vingt milles en huit ou dix heures ?