Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/96

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— En vérité contre-amiral sir Richard Bluewater, vous êtes en train de faire des compliments aujourd’hui ! L’indigne chevalier du Bain qui est devant vous, et tout le reste de l’ordre, vous sont fort obligés !

— Votre cas et le mien, Oakes, sont essentiellement différents, répondit son ami avec émotion. – Vous avez légitimement gagné votre ruban en combattant pour l’Angleterre ; et vous pouvez le porter avec honneur pour vous et pour votre pays. Mais cette babiole m’a été envoyée dans un moment où l’on prévoyait une insurrection, comme un appât pour me tenir en bonne humeur, et se rendre favorable toute la famille Bluewater.

— Ce n’est qu’une conjecture, et j’ose dire que vous reconnaîtrez qu’elle n’est pas fondée. Voici les dépêches qui parlent d’elles-mêmes, et il est à peine possible que le ministère ait été instruit de l’entreprise plus que téméraire que projetait le fils du Prétendant, si ce n’est depuis très-peu de jours, et je garantirais sur ma vie que les dates prouveront que le ruban rouge vous avait été accordé avant qu’on pût s’en douter.

Sir Gervais, avec la vivacité qui lui était naturelle, se mit alors à lire les lettres qui lui étaient adressées, tandis que Bluewater se remettait sur son fauteuil avec un sourire d’incrédulité. Cette lecture désappointa sir Gervais Oakes. Les dates lui prouvèrent que les ministres étaient mieux informés qu’il ne l’avait supposé, car il paraissait qu’ils avaient appris aussitôt que lui les projets du fils du Prétendant. Les ordres qu’on lui envoyait étaient de ramener sa flotte dans le nord en un mot, de faire précisément tout ce que sa sagacité lui avait inspiré. Jusque là, tout allait bien, et il ne pouvait douter que ses supérieurs n’approuvassent le parti qu’il avait pris. Mais c’était là son seul motif de satisfaction ; car, en comparant les dates des différentes lettres, il était évident que le ruban rouge n’avait été accordé à Bluewater que postérieurement au jour où la nouvelle des desseins du Prétendant avait été reçue par le ministère. Une lettre d’un de ses amis particuliers, membre du bureau de l’amirauté, lui parlait aussi, comme d’une chose probable, de sa propre promotion au grade d’amiral de l’escadre bleue ; la même lettre lui parlait encore de plusieurs autres promotions qui avaient eu lieu de manière à prouver que le gouvernement, en ce moment de crise, cherchait à se fortifier par une distribution libérale de faveurs. Il est vrai que cette marche politique pouvait réussir avec des hommes ordinaires mais avec des officiers d’un caractère indépendant comme nos deux amiraux, elle ne pouvait produire que le dégoût.

— Qu’ils aillent au diable, Dick ! s’écria sir Gervais en jetant sur la