Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’aller à terre toutes les fois qu’ils seraient à l’ancre, privilège dont il abusait constamment pour faire un commerce de contrebande. Il avait tant de dextérité à cet égard, que Raoul, qui dédaignait de faire un tel trafic pour son propre compte, mais qui était obligé de fermer les yeux sur les contraventions des autres aux lois sur les douanes, craignait moins qu’il ne compromît son bâtiment que n’aurait pu le faire un autre qui aurait été moins adroit. Il était pourtant nécessaire de faire retourner ces deux hommes à bord, ou de les abandonner ; et se rappelant heureusement le nom du cabaret dans lequel il avait appris qu’ils étaient entrés le soir précédent, il s’y rendit sur-le-champ, et y trouva Ithuel et son interprète buvant un flacon du meilleur vin de Benedetta ; Tommaso y était aussi avec quelques-uns de ses compagnons ; et comme il n’y avait rien d’extraordinaire à voir le commandant d’un bâtiment anglais dans un cabaret, Raoul, pour prévenir tous les soupçons, s’assit près d’Ithuel et prit un verre de vin. À la conversation qui avait lieu entre Tommaso et ses amis, il comprit bientôt que, s’il avait réussi à jeter de la poudre aux yeux du vice-gouverneur et du podestat, ces vieux marins expérimentés conservaient encore leur méfiance. Il était si extraordinaire qu’une frégate française se montrât le long de cette côte, tandis qu’on y voyait souvent des frégates anglaises, que ces marins, qui avaient de l’expérience en pareille matière, ajoutant cette circonstance à toutes celles qui leur avaient déjà rendu le lougre suspect, étaient disposés à prendre les deux bâtiments pour ce qu’ils étaient véritablement. Raoul fut plus indifférent à leur opinion qu’il ne l’aurait été sans les arrangements qu’il venait de prendre avec Ghita. Il but donc son vin avec un air d’insouciance, et finit par se retirer en emmenant avec lui Ithuel et le Génois.


CHAPITRE VIII.


« Dans notre baie, par une nuit orageuse, nos insulaires virent des barques s’avancer vers le rivage, et l’on y remarquait çà et là une lumière vacillante qui brillait sur les rames et sur les rameurs. Quand on les héla, les rames s’arrêtèrent, et tout fut ténèbres. — Ah ! on se cache ! — Rentrons chez nous. Ce sont des requins.
Dama.



Il faisait nuit quand Raoul sortit de la maison du gouverneur, laissant Vito Viti avec Andréa Barrofaldi dans la bibliothèque de celui-ci. Dès que le jeune marin eut le dos tourné, le vice-gouverneur, qui était en train de faire parade de ses connaissances, reprit une conversation qui avait vivement flatté son amour-propre.