Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/105

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— Il est aisé de voir, voisin Viti, que ce jeune Inglese est de noble naissance, quoiqu’il n’ait pas reçu une éducation très-libérale. Son père, milord Smit, a sans doute une famille nombreuse, et les usages d’Enghilterra sont différents des nôtres en ce qui concerne les droits que donne la naissance. Là, le fils aîné hérite seul des biens et des honneurs du père, et les cadets sont placés dans la marine ou dans l’armée, pour qu’ils puissent y acquérir de nouvelles distinctions. Nelson était fils d’un prêtre, à ce que j’ai entendu dire.

Cospetto ! d’uno padre ! s’écria le podestat. C’est une honte d’en convenir. Il faut qu’un prêtre soit possédé du démon pour avouer qu’il a un fils, quoiqu’il puisse certainement en avoir un.

— Il n’en est pas des luthériens comme de nous autres catholiques, Vito. Il est bon que vous vous rappeliez que les prêtres anglais peuvent se marier, quoique les nôtres ne le puissent pas.

— Je n’aimerais pas à me confesser à un pareil prêtre : il ne manquerait pas de tout dire à sa femme, et les saints savent seuls jusqu’où peut aller ce qui est une fois confié à une femme. — Pas un honnête homme, pas même une honnête femme ne pourrait rester à Porto-Ferrajo ; il y ferait trop chaud.

— Mais faites donc attention que les luthériens ne se confessent jamais.

San Stefano ! Comment donc espèrent-ils entrer dans le ciel ?

— Je ne sais pas s’ils l’espèrent, mais, dans tous les cas, nous savons que ce serait un vain espoir. — Pour en revenir à sir Smit, on aperçoit dans son air et ses manières la finesse de la race anglo-saxonne, qui est un peuple tout à fait distinct des anciens Gaulois, tant par son histoire que par son caractère. Pietro Giannone, dans son voyage intitulé Storia civile del regno di Napoli, parle des Normands, qui étaient une branche de ces aventuriers avec beaucoup d’intérêt et en grand détail ; et je crois retrouver dans ce jeune homme quelques-unes des particularités qui sont si admirablement dépeintes dans son ouvrage fort bien écrit, mais avec trop de liberté. — Eh bien, Pietro, ce n’est pas de toi que je parlais ; c’était d’un auteur qui portait le même nom ; de la famille Giannona, un historien de Naples, plein de mérite et d’érudition. — Et toi, que me veux-tu ?

Ces dernières phrases s’adressaient un domestique, qui entrait en ce moment tenant à la main un morceau de papier qu’il remit à son maître en disant :

— Il y a dans l’antichambre, signor Andréa, un cavalier qui demande l’honneur d’une audience, et dont Votre Excellence verra le nom sur ce papier.