Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/121

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reprit une prise faite par ce vaisseau, — ce qui arriva à l’affaire qui eut lieu l’hiver dernier à la hauteur d’Alicante.

— Cet aide de master avait sans doute le cou long et mince comme celui d’une grue : il aurait mieux fait de rester chez lui et de l’allonger pour regarder les filles sortant de l’église le dimanche. — Je voudrais bien voir ce Raoul Yvard, ou quelque autre Français que ce soit, me faire sauter la tête d’un seul coup !

— Et moi, pour vous parler franchement, Winchester, je ne le voudrais pas. — Vous êtes un excellent premier lieutenant ; c’est une place dans laquelle un homme ordinairement a besoin de toute la tête qu’il a, et je ne crois pas que vous en ayez un pouce de trop. Mais, dites-moi, croyez-vous qu’on puisse trouver à louer à Porto-Ferrajo une felouque ou quelque autre bâtiment plus grand que nos canots ? Nous pourrions, par ce moyen, jouer à cet infernal corsaire un tour qui vaudrait mieux qu’une attaque par nos canots à découvert et en vrais bouledogues.

— Il n’y a pas le moindre doute, capitaine. Griffin dit qu’il se trouve dans ce port une douzaine de felouques qui n’osent en sortir de peur de rencontrer ce maudit Raoul Yvard. L’une d’elles, ayant l’air de chercher à s’échapper le long de la côte, serait un appât pour lui, et alors nous pourrions joliment le harponner.

— Je crois en avoir trouvé le moyen, Winchester. On ne nous a pas encore vus avoir des communications avec la ville, et heureusement nous sommes restés toute la matinée sous pavillon français. Nous avons le cap tourné vers la ville, et nous nous laisserons porter vers l’est à la dérive, de sorte que, dans quelques minutes, le lougre, dans la position qu’il occupe en ce moment, ne pourra voir tout au plus que le haut de nos mâts. Alors, vous vous rendrez à terre avec quarante hommes d’élite ; vous louerez une felouque, et vous sortirez du port en longeant les rochers au plus près possible, comme si vous aviez peur de nous. Nos canots vous donneront la chasse ; vous vous approcherez du lougre, qui est encore sous pavillon anglais, comme pour vous mettre sous sa protection ; et quand il sera placé entre vous et nos canots, vous viendrez à bout de maître Yvard, de manière ou d’autre, je vous en réponds.

Winchester fut enchanté de ce projet, et, cinq minutes après, les ordres furent donnés pour qu’on choisît et qu’on armât quarante hommes ; il eut ensuite une autre conférence avec le capitaine pour prendre tous les arrangements de détail, et quand le promontoire cacha la frégate au lougre, des canots conduisirent à terre le premier lieutenant et ses quarante hommes. Une demi-heure après leur dé-