Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/124

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avant que le zéphyr arrive dans l’après-midi. Qu’elle gagne une lieue ou deux au large, un peu plus au nord-ouest, et elle peut faire route droit à Bastia, quand elle aura fait sa sieste.

— Ah ! les voilà après elle, ces Anglais affamés ! Je m’y attendais. Qu’ils voient la chance de gagner une guinée, et ils ne voudront pas la laisser échapper, quand ce serait contre la loi et la conscience. Qu’ont-ils à dire à une felouque napolitaine, puisque l’Angleterre est alliée avec Naples ?

Raoul ne répondit rien à cette observation, mais il examina avec grande attention le mouvement qui s’opérait. Le lecteur comprendra aisément ce qui avait causé la remarque d’Ithuel. La frégate venait de mettre à la mer cinq canots, et ils faisaient force de rames, en se dirigeant vers la felouque.

Il peut être à propos maintenant de faire connaître la situation relative de toutes les parties, et l’état exact du temps pour donner au lecteur une idée claire des événements qui vont suivre. Le Feu-Follet n’avait guère changé de place depuis le moment où il avait mis en panne, en portant son écoute de foc au vent. Il était à environ une lieue un peu au nord-ouest et en pleine vue de la résidence d’Andréa Barrofaldi, une baie profonde lui restant au sud et par le travers. Nul changement n’avait eu lieu ni dans sa voilure ni à sa barre, ses voiles étant toujours sur leurs cargues pour la plupart, et sa barre dessous. Le cap de la frégate ayant été maintenu à l’ouest depuis une heure, elle s’était avancée à quelque distance dans cette direction, et elle était alors aussi près du lougre que du promontoire, quoiqu’elle fût à près de deux milles de la terre. Ses voiles basses étaient carguées à cause de la légèreté du vent, mais toute sa voilure haute était établie, surveillée et orientée avec soin, afin de profiter du moindre souffle d’air qui gonflait de temps en temps les cacatois. Au total, elle pouvait se rapprocher du lougre à raison d’environ un nœud par heure. La Divina Providenza était tout juste hors de portée des canons de la frégate, et à environ un mille du lougre, quand les canots de la Proserpine furent mis en mer, quoiqu’elle longeât la côte de très-près, et qu’elle fût sur le point d’arriver à la baie dont il a été si souvent parlé. Les canots, comme de raison, marchaient en droite ligne de la frégate qu’ils venaient de quitter, vers la felouque qu’ils semblaient menacer.

Il était alors onze heures du matin, partie des vingt-quatre heures pendant laquelle la Méditerranée, dans les mois d’été, est ordinairement aussi unie qu’un miroir, et aussi calme que si jamais elle n’avait essuyé une tempête. Pendant toute la matinée, il y avait eu