À l’instant où le soleil se couchait, le Feu-Follet jeta l’ancre. Il avait choisi un mouillage assez avancé dans les bas-fonds pour être hors de la portée des canons de la frégate, quoiqu’il fût à peine dans la rivière, ce que le peu de profondeur de l’eau n’aurait pas permis ; mais il avait, où il était, tout l’abri que les circonstances, le temps et la saison exigeaient. De son côté, la Proserpine ne montra aucune intention de renoncer à sa poursuite, car, arrivée à la hauteur de l’embouchure, elle mouilla aussi avec une de ses ancres de bossoir à environ deux milles au large du lougre. Elle parut avoir changé d’avis relativement aux bâtiments côtiers qu’elle avait capturés, car, après une courte détention, elle leur permit de continuer leur route : mais un calme étant survenu, ils ne purent s’en éloigner beaucoup avant l’arrivée de la brise de terre. Ce fut dans cette position relative que les deux bâtiments ennemis se disposèrent à passer la nuit. On prit à bord de chacun d’eux les précautions nécessaires pour assurer l’ancrage, on mit tout en ordre sur les ponts, en un mot on suivit toute la routine ordinaire aussi régulièrement que si l’on eût été dans un port ami.
CHAPITRE XI.
l est inutile d’insister sur l’aspect glorieux de la Méditerranée ; il
est familier à tous ceux qui ont voyagé sur ses eaux, et une foule
d’ouvrages l’ont peint à l’imagination des lecteurs de tous les pays et
de tous les siècles. Cependant il y a des jours et des ombres qui sont
particuliers à chaque tableau, et celui que nous esquissons en offre
qui méritent un mot en passant. Un coucher du soleil au milieu de
l’été, sur ses côtes, peut ajouter aux beautés de presque toutes les
scènes. Telle était l’heure à laquelle Raoul jeta l’ancre, et Ghita, qui
était montée sur le pont dès que la chasse avait été terminée et qu’on
avait regardé le danger comme passé, se dit qu’elle n’avait jamais vu
l’Italie ni les eaux bleues de la Méditerranée sous un aspect plus
aimable.