Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/153

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laisser une nuit de repos à son équipage, plutôt que de remettre à la voile sur-le-champ. La situation de cette felouque, et la circonstance qu’elle avait été abordée par la frégate pendant la soirée, l’avaient d’abord rendue suspecte à Raoul, et il avait ordonné qu’on la surveillât avec attention ; mais on n’avait rien découvert qui tendît à confirmer ses soupçons. Les mouvements de son équipage — la manière dont on avait jeté l’ancre, — la tranquillité complète qui régnait sur son bord, et même le mauvais arrangement de ses mâts et de son gréement, convainquirent Raoul que ses matelots n’avaient jamais servi sur un bâtiment de guerre. Cependant comme elle n’était qu’à un mille du lougre du côté de la mer, elle devait être surveillée, et le marin qui était en vigie dans les haubans était rarement une minute sans y fixer les yeux. Le second bâtiment côtier était un peu au sud de la frégate, portant toutes ses voiles et se dirigeant vers la terre, sans doute dans la vue de profiter autant que possible de la brise qui venait des montagnes. Sa position avait été déterminée une heure auparavant, et pendant tout ce temps elle n’avait changé que d’un demi-quart, quoiqu’il ne fût pas à une lieue ; ce qui prouvait combien il y avait peu de vent. Le troisième, qui était une petite felouque, était au nord, mais, depuis l’arrivée de la brise de terre, si on pouvait l’appeler une brise, il cherchait à tourner lentement au vent, et semblait disposé à traverser les bas-fonds plus près de la terre que l’endroit ou était le Feu-Follet, ou à entrer dans le Golo. On pouvait distinguer ses contours obscurs, quoique se dessinant sur la terre ; et il avançait lentement en travers sur l’avant du lougre, à environ un demi-mille plus près de la côte. Comme la rivière avait un fort courant, et que tous les bâtiments avaient le cap tourné vers la terre, Ithuel tournait quelquefois la tête pour voir quels progrès faisait celui-ci ; mais ils étaient si lents, qu’à peine pouvait-on remarquer qu’il changeât de position.

Après avoir regardé autour de lui en silence pendant quelques minutes, Raoul leva les yeux vers le ciel, et considéra les étoiles.

— Vous ne savez probablement pas, Ghita, dit-il, à quoi peuvent nous servir et nous servent ces étoiles à nous autres marins. Avec leur aide, nous sommes en état de dire ou nous nous trouvons, au milieu du plus vaste Océan, — de connaître tous les points du compas, — d’être en quelque sorte chez nous, même quand nous en sommes le plus éloignés. Le marin européen doit du moins aller bien loin au sud de l’équateur, avant de ne plus voir les étoiles qu’il aperçoit du seuil de la porte de la maison de son père.

— C’est une nouvelle idée pour moi, répondit Ghita, vivement