Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/178

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idée de tout ce qui frappe les yeux de l’étranger qui arrive à Naples par mer.

Le zéphyr soufflait encore, et la flotte de speronares, ou felouques sans pont, qui, dans cette saison, va tous les matins de la côte méridionale de la baie à Naples, passait sous le Vésuve, les uns allant aussi loin que Massa, les autres ayant le cap tourné vers Sorente, ou Vico, ou Persano, et plusieurs marchant vent arrière vers Castellamare ou ses environs. La brise commençait à fraîchir au point que tous les pêcheurs songeaient à retourner à terre, et rompaient leur ligne, qui, en certains endroits, s’étendait presque à une lieue, quoiqu’ils ne fussent pas éloignés les uns des autres à plus de distance qu’il n’en fallait pour qu’ils pussent se parler. L’entrée de la baie était couverte de petits bâtiments marchant de différents côtés, tandis qu’un grand nombre de bâtiments anglais, russes, napolitains et turcs, vaisseaux à deux-ponts, frégates et corvettes, étaient à l’ancre en face de la ville. À bord d’un des plus grands vaisseaux, on voyait flotter le pavillon de contre-amiral, hissé au mât d’artimon, symbole du rang de son commandant. Une corvette seule étant à la voile. Elle avait quitté son mouillage une heure auparavant, et avec bonnettes à tribord, elle traversait diagonalement cette baie magnifique, paraissant se diriger vers le passage entre Capri et la pointe de Campanella pour aller en Sicile. Elle aurait aisément pu doubler l’île ; mais son commandant, homme qui aimait ses aises, voulant, dès le départ, avoir une bonne navigation, avait pensé qu’en serrant la côte il pourrait profiter de la brise de terre pendant la nuit ; et il se fiait au zéphyr qui soufflait alors pour traverser le golfe de Salerne. Une frégate s’était aussi détachée de la flotte sous ses voiles d’étai, dès que le vent d’ouest s’était fait sentir ; mais elle avait mouillé ; se tenait à pic sur son ancre, et semblait attendre quelques préparatifs ou des ordres pour partir, son commandant étant en ce moment à bord du contre-amiral. Cette frégate était la Proserpine, de 36 canons, capitaine Cuff ; bâtiment et officier qui sont déjà de la connaissance du lecteur. Environ une heure auparavant, le capitaine Cuff avait été appelé par un signal à bord du Foudroyant, et il y avait trouvé un homme de petite taille, ayant le teint jaunâtre et les membres grêles, et ayant perdu le bras droit, qui se promenait dans la chambre du conseil, et l’attendait avec impatience.

— Eh bien ! Cuff, dit ce personnage dont les traits n’avaient rien de prévenant, en secouant le moignon du bras qu’il avait perdu, je vois que vous avez quitté le troupeau. Êtes-vous tous prêts à mettre à la voile ?