Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/187

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conduit la flotte contre le roi ; et Ghita que voici est le seul fruit de ce mariage. Il est vrai que l’église n’avait pas sanctionné la liaison qui donna le jour au père de ma nièce ; mais le noble amiral n’hésita pas un instant à le reconnaître pour son fils ; il lui donna son nom, et il le protégea jusqu’à l’instant où l’amour le porta à épouser la sœur d’un pauvre savant. Alors le fils encourut la disgrâce de son père. Mais la mort mit bientôt le mari et la femme à l’abri de son déplaisir. Telle est notre histoire, illustre signora : elle est bien simple, et voilà pourquoi ma pauvre nièce porte un aussi grand nom que celui de Caraccioli.

— Vous prétendez nous dire, signer Giuntotardi, que votre nièce est une petite-fille de don Francesco Caraccioli, par un fils naturel de cet infortuné amiral ?

— Tel est le fait, Signora ; et sa mère ayant été mariée en face de l’église, je ne pouvais moins faire que de laisser à sa fille le nom qu’il avait été permis à son père de porter avant elle.

— De pareilles choses ne sont pas rares et n’exigent pas d’apologie. — Encore une question avant que j’explique à l’amiral anglais ce que vous venez de me dire. — Le prince Caraccioli connaît-il l’existence de sa petite-fille ?

— J’en doute fort, Signora. Son père et sa mère moururent si peu de temps après sa naissance, — j’aimais tant cette pauvre orpheline — il y avait si peu d’espoir qu’un homme si illustre voulût reconnaître une alliance contractée par son fils avec une famille aussi humble que la nôtre, que je n’ai jamais été plus loin pour faire reconnaître ma nièce, que de lui laisser porter le nom de son père.

Ces paroles parurent soulager la dame, et elle expliqua brièvement à Nelson tout ce qui venait d’être dit.

— Il peut se faire, dit-elle, qu’ils soient ici pour le même objet dont nous avons déjà tant entendu parler, et si inutilement. Je ne le crois pourtant pas, car quel intérêt peuvent-ils prendre à un homme qui leur est entièrement inconnu ? Néanmoins quelque folle idée ayant rapport à cette affaire peut les avoir amenés ici. — Que désirez-vous, Ghita ? — Voici don Horatio Nelsoni, l’illustre amiral anglais dont vous avez tant entendu parler.

— Je le sais, Votre Excellence. — Mon bon oncle vous a dit qui nous sommes, et vous pouvez facilement deviner le motif qui nous fait venir ici. Nous ne sommes arrivés que ce matin de Santa-Agata de l’autre côté de la baie, et nous avons appris d’un de nos parents dans cette ville que don Francesco venait d’être arrêté à l’instant. Depuis ce temps, on nous avait qu’il avait été condamné à mort pour