Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/193

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— Votre bénédiction, grand-papa ! bénissez-moi une fois, et que je puisse entendre le son d’une bénédiction paternelle !

— Que Dieu te bénisse, ma fille ! qu’il te bénisse comme je le fais ! dit le vieillard se penchant pour la relever, la serrant dans ses bras et l’embrassant tendrement. Oui, tu es bien ma fille, mon cœur ne peut me tromper.

— Oui, Votre Excellence, dit Carlo, elle est fille de votre fils don Francesco, et de ma sœur Ghita Giuntotardi, et née en légitime mariage. Je ne voudrais tromper personne, et moins que tout autre un homme qui va mourir.

— Je n’ai pas de domaines à lui léguer, point d’honneurs à un transmettre, pas même un nom à lui laisser qu’elle puisse être fière de porter ! Il vaudrait mieux en ce moment être fils d’un lazzarone que de Francesco Caraccioli.

— N’y pensez pas, grand-papa ; ne vous en inquiétez pas. Je ne suis venue que pour vous demander la bénédiction que vous m’avez donnée, et pour vous offrir les prières de vrais chrétiens, quoique d’un rang si humble. Nous ne demandons, ne désirons et ne cherchons rien de plus. Nous sommes habitués à notre pauvreté, et elle ne nous effraie pas. La richesse nous embarrasserait, et nous sommes loin de la désirer.

— Je me souviens, mon père, que la principale cause du mécontentement que m’a causé le mariage de mon fils, a été le soupçon que la famille à laquelle il s’alliait avait cherché cette union dans des vues intéressées. Et cependant ces bonnes gens m’ont laissé vivre dans la prospérité, sans chercher à s’adresser à moi, et ils n’ont pensé à un rapprochement que lorsque je suis plongé dans le malheur et l’affliction. Je n’ai pas été accoutumé à trouver des désirs et des cœurs semblables.

— Vous ne nous connaissiez pas, dit Ghita d’un ton de simplicité, le visage appuyé sur le sein du vieillard. Nous avons longtemps prié pour vous, nous vous avons respecté, et nous avons pensé à vous comme à un père qui s’était détourné de nous avec colère ; mais nous n’avons jamais désiré votre or ni vos honneurs.

— Mon or et mes honneurs ! répéta l’amiral, plaçant doucement sa petite-fille sur un fauteuil ; ce sont des choses au passé pour moi. Mes biens sont confisqués, mon nom est déshonoré, et dans une heure d’ici j’aurai subi une mort ignominieuse. Aucune vue d’intérêt ne peut les avoir amenés près de moi dans un moment comme celui-ci, mon père.

— C’est la bonté de Dieu qui vous les a envoyés, mon fils. En vous