Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/22

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Après avoir dépassé l’entrée de la baie au moins d’un mille, il vira vent devant, et se dirigea vers le port. Mais il se trouvait alors si affalé près des hautes terres situées à l’ouest, qu’elles l’abritaient complètement ; et après avoir conservé ses voiles dehors pendant environ une demi-heure dans la petite rade, il les cargua subitement, et jeta l’ancre.


CHAPITRE II.


Avec une pacotille de quelques phrases françaises apprises par cœur, beaucoup à apprendre, rien à enseigner, le jeune homme, obéissant aux ordres de son père, part pour aller dans les pays étrangers.
Cowper.



Il faisait alors presque nuit, et la foule, ayant satisfait sa curiosité oiseuse, commença à se disperser peu à peu. Le signor Viti resta le dernier, croyant de son devoir d’être sur le qui-vive dans un pareil temps de troubles. Mais, malgré toute son activité affairée, il échappa à sa vigilance et à son attention de remarquer que le commandant du lougre qui était entré dans la baie avec tant de confiance avait jeté l’ancre de manière à ce que pas une seule bouche à feu des batteries n’aurait pu être pointée sur son bâtiment, tandis qu’il aurait pu envoyer des bordées sur tous les points du petit havre, s’il eût été disposé à en venir à des hostilités. Mais Vito Viti, quoique admirateur si enthousiaste de l’art de l’artillerie, n’était pas artilleur, et il n’aimait pas à réfléchir sur les effets d’un boulet, à moins qu’ils ne fussent à craindre pour les autres et non pour lui.

De tous les individus méfiants, craintifs et curieux qui s’étaient rassemblés sur le port et dans les environs, depuis qu’on avait vu que le lougre avait dessein d’entrer dans la baie, Tommaso et Ghita étaient seuls restés, les yeux toujours fixés sur ce bâtiment, après qu’il eut jeté l’ancre. Les employés chargés de l’exécution des lois de la quarantaine, ce grand épouvantail de la Méditerranée, avaient hélé le lougre à haute voix, et l’on avait répondu à leurs questions de manière à ne leur laisser aucun scrupule pour le moment. À leur demande : « D’où venez-vous ? » faite en italien, on avait répliqué dans la même langue : « D’Angleterre, en touchant à Lisbonne et à Gibraltar. » Les noms de ces pays n’inspiraient aucune crainte de la peste, et l’on y délivrait alors des certificats de santé satisfaisants. Mais le nom du bâtiment avait été donné de manière à embarrasser tous les savants en anglo-saxon qu’on put trouver à Porto-Ferrajo.