Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/250

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— Il n’y aura plus besoin de témoins, monsieur le procureur du roi, dit Cuff, si le prisonnier se sent disposé à avouer toute la vérité. Cependant, monsieur Yvard, il est juste de vous avertir des suites que peuvent avoir vos aveux. Vous êtes accusé d’un crime capital, c’est-à-dire de vous être rendu à bord d’un bâtiment anglais, ou plutôt au milieu d’une escadre anglaise, déguisé, vous, étranger, ennemi, et en guerre ouverte contre Sa Majesté.

— Je suis Français, Monsieur, et je sers mon pays, répondit Raoul avec dignité.

— Personne ne vous disputera votre droit de servir votre pays ; mais vous devez savoir qu’il est contre les lois de la guerre entre nations civilisées de jouer le rôle d’espion. Vous voilà sur vos gardes, c’est à vous de décider. Si vous avez quelque chose à dire, nous l’écouterons.

— Messieurs, il me reste peu de chose à dire, répondit Raoul. Que je sois votre ennemi, comme de tous ceux qui cherchent la ruine de mon pays, c’est ce que je ne nie pas. — Vous me connaissez et vous savez ce que je suis, — et je n’ai pas d’excuses à vous faire sous aucun de ces deux rapports. Comme de braves Anglais, vous saurez apprécier l’amour d’un Français pour son pays. Quant à mon arrivée à bord de ce bâtiment, vous ne pouvez m’en faire un crime, puisque je n’ai fait que céder à votre invitation. Les droits de l’hospitalité sont aussi sacrés qu’ils sont généralement reconnus.

Les membres de la cour échangèrent entre eux des regards expressifs, et il y eut un silence de plus d’une minute. Alors le procureur du roi reprit ses fonctions, en disant :

— Je désire que vous compreniez l’effet précisément légal de vos aveux, prisonnier, et qu’ils soient faits formellement et avec réflexion ; sans cela, il faut procéder à l’examen d’autres témoins. On dit que vous êtes Raoul Yvard, étranger, ennemi, portant les armes contre le roi d’Angleterre.

— Monsieur, je l’ai déjà avoué ; et je ne puis le nier honorablement.

— Vous êtes accusé d’être venu déguisé à bord du bâtiment de Sa Majesté la Proserpine, et de vous être donné pour un batelier de Capri, tandis que vous êtes Raoul Yvard, ennemi, étranger, portant les armes contre le roi.

— Tout cela est vrai ; mais je fus invité à venir à bord de ce bâtiment, comme je viens de le dire.

— Vous êtes encore accusé d’avoir passé au milieu des bâtiments de Sa Majesté, maintenant à l’ancre dans la baie de Naples ; lesquels