Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/256

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— Tout cela se comprend. Mais vous dites que le prisonnier avait quitté son bâtiment pour aller voir une tante de la jeune fille ; et que de là il alla dans la baie dans la seule intention de trouver la jeune fille elle-même ? Ce fait est important ; il concerne les motifs du prisonnier et peut décider de son sort. Il faut que la cour agisse en pleine connaissance de cause. Pour commencer, dites-nous où Raoul Yvard a laissé son lougre en allant là-bas sur ce promontoire ?

— Je ne crois pas, capitaine Cuff, que vous sachiez l’histoire bien exactement. Le capitaine Roule après tout n’alla pas sur la montagne, tant pour voir la tante que pour voir la nièce chez la tante : si l’on veut bien finir une histoire, il faut la bien commencer.

— J’ai laissé le Feu-Follet, monsieur le capitaine, dit Raoul avec calme, à moins de deux encâblures de distance de la place même où est votre bâtiment en ce moment ; mais ce fut à une heure de la nuit où les bonnes gens de Capri dorment, et ils ne savaient pas que nous étions si près d’eux. Nous voyez que le lougre n’y est plus.

— Affirmez-vous la vérité de cette histoire sous la foi du serment solennel que vous avez prêté ? demanda Cuff à Ithuel, ne pensant guère combien il en coûterait peu au témoin pour affirmer ainsi tout ce qu’il voudrait.

— Il ne s’y trouve pas un mot qui ne soit vrai, Messieurs, répondit Ithuel. Ce n’était pas, suivant moi, à plus d’une encâblure de distance de cette place.

— Et où est le lougre à présent ? demanda Cuff, laissant voir le but de toutes ses questions par son désir d’en apprendre davantage. Mais ce n’était pas à Ithuel qu’on pouvait ainsi arracher une réponse imprudente ou inconsidérée. Affectant en quelque sorte la timidité d’une jeune fille, il répondit en souriant :

— En vérité, capitaine Cuff, je ne puis penser à répondre à une telle question avec la solennité d’un serment, comme vous l’appelez. Personne ne peut savoir à présent où est le Fiou-Follet que ceux qui s’y trouvent.

Cuff fut un peu déconcerté de cette réponse, tandis que Lyon souriait avec ironie ; et ce dernier se chargea ensuite d’interroger Ithuel lui-même, ayant de son jugement et de sa pénétration une opinion qui devait le mettre en état de tenir tête à un homme aussi fécond en subterfuges que l’Américain.

— Nous n’attendons pas, dit-il, que vous nous disiez précisément ; et comme étant à votre connaissance personnelle, quelle est en ce moment sa position en latitude et longitude, ni le point du compas où nous reste le lougre appelé par les uns le Fiou-Folly, et par