Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/271

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— Je vous remercie, capitaine ; on l’aime assez à la table des officiers, et le maître-d’hôtel en a acheté ce matin deux barils, tandis que le conseil de guerre était en séance. — On m’a dit que l’amiral a donné son approbation à la sentence, et que le Français doit être pendu à notre vergue de misaine dans le cours de la journée de demain ?

— C’est ainsi que le tout est écrit sur le papier ; mais s’il veut avouer où est son lougre, il en sera quitte à meilleur marché. Quoi qu’il en soit, de la manière dont vont les choses à présent, nous prendrons ce maudit Fiou-Folly, et nous n’en serons redevables qu’à nous-mêmes.

— Cela ne vaudra que mieux. — Je n’aime pas, à voir un homme trahir ses compagnons.

— Je pense comme vous, Winchester ; cependant il faut à tout prix que nous prenions ce lougre. — Mais je vous ai fait venir pour vous parler de Bolt. — Il faut prendre un parti à l’égard de ce drôle. — C’est un cas de désertion aussi clair qu’il en fut jamais, — et même de désertion à l’ennemi, capitaine. J’aimerais mieux voir pendre dix misérables de son espèce, qu’un homme comme ce Français.

— Il est évident que vous êtes sans rancune, Winchester. Avez-vous déjà oublié Porto-Ferrajo et l’affaire des canots ; ou aimez-vous vos ennemis, comme l’ordonne l’Écriture ?

— Tout s’est passé dans les règles dans l’affaire dont vous parlez, capitaine, et par conséquent on ne doit pas y songer. Je n’ai rien à reprocher à M. Yvard ; et à présent que ma blessure est guérie, je ne l’en estime que plus. Mais il n’en est pas de même de ce Bolt ; — un misérable fuyard qui laisse à d’autres le soin de soutenir la cause de son pays, et qui fait la guerre au commerce anglais à bord d’un corsaire français !

— Oui, c’est là la question, Winchester. — Était-ce bien la cause de son pays qu’il soutenait à bord de cette frégate ?

— Nous l’avons saisi comme Anglais sur le bâtiment à bord duquel il servait, et pour être d’accord avec nous-mêmes nous devons agir en conséquence.

— Et faire pendre un homme innocent, comme ayant commis un acte de trahison qu’il ne pouvait commettre ?

— Quoi ! capitaine, croyez-vous à l’histoire de ce drôle, qu’il est né Yankee ? Si cela est vrai, nous ne pouvons le traiter plus injustement que nous ne l’avons déjà fait. Mais quant à moi, je regarde tous ceux qui usent d’un semblable subterfuge comme des Anglais rebelles, et je les traite comme tels.