Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais qu’avons-nous là au nord-ouest, Griffin ? Cela paraît trop grand pour être le Fiou-Folly.

— Ce doit être la Terpsichore, capitaine. C’est précisément l’endroit où elle doit être, si je comprends bien les ordres donnés à sir Frédéric. Mais voici une voile courant au nord qui pourrait bien être le lougre. Il est en dedans de Campanella, et pas bien loin de la côte nord de la baie.

— Par saint George ! il faut que ce soit le lougre. M. Yvard l’a tenu tout ce temps caché dans les environs d’Amalfi. — Descendons, et faisons établir jusqu’à notre dernière voile.

En deux minutes, Griffin fut sur le pont, faisant brasser les vergues, et se disposant à faire de la voile. Suivant l’usage, la brise était légère et était retournée vers le sud, de sorte que la frégate avait à faire route presque vent arrière. Il fit donc pousser les boute-hors de bonnettes ; les bonnettes furent hissées, et l’on fit route au nord, gouvernant un peu au large du bâtiment poursuivi. En ce moment, la Proserpine avait la pointe de Piane et le petit village d’Abaté presque par le travers. Elle pouvait avoir filé quatre nœuds par heure, et la distance pour traverser l’entrée de la baie de Salerne était d’environ trente milles. Elle mettrait donc huit heures à faire cette traversée si le vent continuait, ce qui n’était pas probable en cette saison. Une semaine plus tard, on aurait pu attendre de forts vents du sud ; mais une semaine était comme un siècle pour l’objet dont il s’agissait.

Une demi-heure d’épreuve convainquit tous ceux qui se trouvaient sur le pont de la Proserpine que le bâtiment qu’elle chassait gouvernait comme elle de manière à s’éloigner de la côte. Sa vitesse paraissait à peu près égale à celle de la Proserpine ; car, en marchant vent arrière, ce bâtiment n’était qu’un bon voilier ordinaire, sa grande supériorité ne commençant que lorsqu’il avait le vent un peu sur l’avant du travers, c’est-à dire largue. On avait supposé que ce bâtiment à l’instant où on l’avait aperçu, était à environ quinze milles de distance, sa voilure ne paraissant que comme un point blanc à l’horizon ; mais on commença enfin à concevoir des doutes sur son gréement, sur son port, et sur la distance à laquelle il se trouvait. Si c’était un grand bâtiment, il devait être plus éloigné, et, dans ce cas, ce ne pouvait être le Feu-Follet.

L’autre frégate suivit l’exemple de la Proserpine, et gouverna vers la côte nord du golfe ; preuve certaine que, du haut de ses mâts, on ne voyait rien qui dût la faire gouverner d’un autre côté. Cependant, au bout de deux heures, chacun fut convaincu à bord de la Proserpine