Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/280

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tance de huit ou dix lieues. — Cela fait une longue nappe d’eau, capitaine, et il faudrait un mât d’une belle hauteur pour que la vue portât si loin.

— Mais vous étiez, Clinch, sur une hauteur bien plus élevée qu’aucun mât de quelque vaisseau que ce soit.

— Sans doute, capitaine, mais pas encore assez élevée pour cela. — Mais je suis aussi sûr d’avoir vu le Feu-Follet, que je le suis d’être dans cette chambre.

— Qu’est-il donc devenu ? Vous voyez qu’il n’est pas dans la baie.

— Je suppose, capitaine, qu’il a fait route vers la baie jusqu’à ce qu’il ait été aussi près de la terre qu’il en avait envie, et qu’il a repris le large lorsque la nuit est tombée. Il avait assez de place pour passer entre les deux frégates, dans l’obscurité, sans être aperçu.

Cette conjecture était assez plausible pour satisfaire Cuff, et cependant les choses s’étaient passées différemment. De son poste élevé, Clinch avait vu le Feu-Follet au sud, comme ses signaux l’avaient annoncé, et il l’avait conservé en vue jusqu’à ce que la nuit cachât ses mouvements. Mais au lieu de sortir de la baie, comme il se le figurait, le lougre avait remonté la côte jusqu’à un quart de lieue de Campanella, doublé cette pointe, longe la côte qui en est au nord, dans la baie même de Naples, et pris le large entre Capri et Ischia, passant précisément par le travers du mouillage que les trois bâtiments anglais venaient de quitter.

Quand Raoul quitta son bâtiment, il donna ordre qu’on portât au large sur-le-champ, tenant en vue Capri et Ischia, et de mettre en panne sous la voile de tape-cul. Cette voile étant basse, et le lougre ayant très-peu de voilure haute, c’était un expédient qu’adoptaient souvent les croiseurs ainsi gréés, quand ils voulaient ne pas être vus. M. Pintardi, premier lieutenant de Raoul, s’attendait à voir un signal de son commandant précisément à l’endroit où Clinch se trouvait placé, mais, n’en voyant aucun, il longea la côte, après la nuit tombée, dans l’espoir que Raoul lui ferait connaître sa position en brûlant un feu de conserve. Rien de semblable ne paraissant, il s’éloigna de nouveau de la terre, afin de gagner le large avant le retour du jour et de profiter du vent. Ce fut la hardiesse de cette manœuvre qui sauva le lougre ; Lyon ayant traversé la passe entre Capri et Campanella environ vingt minutes avant que Pintard filât le long des rochers de la côte sous ses voiles de foc et de tape-cul seulement, attendant avec impatience un signal de son capitaine. Les Français virent distinctement la corvette, à l’aide de leurs longues-vues de nuit, mais ils la prirent pour un autre bâtiment allant à Malte