Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/334

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premiers canots anglais, en arrivant à ce promontoire, renonceraient à une poursuite qui n’offrait aucun espoir, et retourneraient à la frégate.

— Nous pourrons vous mettre à terre, chère Ghita, dit Raoul, à la Marina Grande de Sorrento, et de là vous n’aurez qu’une promenade à faire pour arriver à Santa-Agata.

— Ne songez pas à moi, Raoul ; mettez-moi à terre aussitôt que vous le pourrez, et rejoignez votre bâtiment. Dieu vous a délivré d’un grand danger, et vous devez tâcher d’agir comme il est évident que sa volonté l’exige. Quant à moi, je m’inquiète peu d’avoir quelques lieues à faire, pourvu que je sois convaincue que vous êtes en sûreté.

— Ange céleste ! — jamais vous ne pensez à vous ! Mais je ne vous quitterai pas de ce côté de Sorrento. Une heure ou deux pourront nous y conduire, et alors je sentirai que j’ai fait mon devoir. Une fois que vous serez à terre, nous pourrons, Ithuel et moi, établir notre petite voile, et prendre le large en passant entre les deux îles. Nous le ferons aisément avec cette bonne brise de terre, et alors quelque fusée nous apprendra la position du Feu-Follet.

Ghita fit encore des remontrances, mais elles furent inutiles : Raoul insista, et il fallut qu’elle cédât. Toute conversation cessa, et les deux marins manièrent leurs avirons avec autant de vigueur que d’activité. Ils s’arrêtaient de temps en temps pour écouter le son des rames des embarcations de la Proserpine, et il leur parut certain qu’elles se réunissaient toutes alors dans les environs de la pointe ou du cap. Le canot de Raoul avait alors par le travers l’extrémité de la terre, et il fut bientôt assez avancé dans la baie pour laisser en arrière la plupart, sinon la totalité de ceux qui le poursuivaient. Dans l’obscurité, et sans autre guide que le bruit des avirons, il y avait nécessairement quelque incertitude sur la position des canots de la frégate ; mais on pouvait à peine douter qu’ils ne fussent alors presque tous dans le voisinage immédiat de Campanella. Comme Raoul eut soin de passer à une bonne distance de cette pointe, et que ses avirons ne faisaient aucun bruit, lui et ses compagnons, après leurs dangers tout récents, se trouvaient comparativement en sûreté.

Ils continuèrent à ramer plus d’une heure, et pendant ce temps ils avançaient rapidement vers la Marina Grande de Sorrento. Après avoir passé devant Massa, Raoul n’eut plus d’inquiétudes, et il dit à Carlo Giuntotardi de présenter le cap à la terre, où la brise opposait moins de résistance, et où il était plus facile de reconnaître la position précise où l’on était. On n’eut plus aucune crainte des canots,