Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/347

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ment au vent, à cinquante pieds du canot. Raoul surveilla ce mouvement, et à l’instant où le lougre avait perdu son aire, il plaça sa yole bord à bord, saisit une corde, et l’instant d’après il était sur son bord.

Raoul monta sur le gaillard d’arrière de son lougre avec la fierté d’un monarque qui monte sur son trône. Certain d’avoir un bâtiment qui ne lui manquerait pas à l’heure du danger, et plein de confiance en lui-même, ce marin intrépide n’éprouva aucune inquiétude, quoiqu’il sût qu’il était entouré de puissants ennemis. L’heure et le vent étaient favorables, et nulle sensation d’alarme ne troubla le plaisir de cet heureux moment. Les explications qui eurent lieu entre lui et Pintard, son premier lieutenant, furent courtes, mais satisfaisantes. Le Feu-Follet s’était tenu à quelque distance de la terre, toutes ses voiles amenées ; et en cet état, un lougre dont la coque s’élevait si peu au-dessus de l’eau, n’était pas visible à plus de cinq à six milles. À l’expiration du délai fixé, il était entré dans le golfe de Salerne pour attendre les signaux qui devaient lui être faits sur les hauteurs de Santa-Agata. N’en ayant aperçu aucun, il avait repris le large, et avait longé la côte dans l’espoir d’apprendre quelques nouvelles de son commandant. Quoique le lougre ne pût être aperçu de ses ennemis, on avait vu de son pont les trois croiseurs anglais, et cette circonstance y avait répandu beaucoup d’inquiétudes sur le sort du capitaine et de son compagnon. Dans l’après-midi de ce dernier jour, le Feu-Follet avança au nord-ouest d’Ischia, et doubla cette île dans la soirée, comme pour aller jeter l’ancre à Baies, où il se trouvait presque toujours quelques croiseurs des puissances alliées. Mais, comme le vent venait de la terre, il laissa porter, et, passant entre Procida et Misène, il entra dans la baie de Naples environ trois heures avant d’avoir rencontré Raoul, dans l’intention d’explorer toute la côte opposée pour y chercher la petite yole sur laquelle le capitaine était parti. Pintard avait vu le fanal hissé à la corne du grand mât de la Proserpine, et il avait pensé d’abord que ce pouvait être un signal du capitaine. Pour s’en assurer, il continua la même route, jusqu’au moment où à l’aide des longues vues de nuit on découvrit un bâtiment. Il vint aussitôt au plus près du vent, et fit deux petites bordées pour doubler la pointe derrière laquelle Raoul avait trouvé un lieu de refuge, la Marina Grande de Sorrento étant un des rendez-vous qu’il avait donnés à son lieutenant dans ses dernières instructions.

Le pont du Feu-Follet offrit la scène la plus animée, et des transports de joie éclatèrent lorsque Raoul y parut si inopinément. Il