Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/349

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nous les quittâmes sans leur faire nos adieux ; me promettant de retourner sur leur bord pour me faire pendre quand je n’aurais plus rien de mieux à faire.

Ce récit exigeait une explication, et Raoul la fit en peu de mots ; après quoi il ordonna que chacun retournât à son poste, afin qu’on pût manœuvrer le lougre. En quelques instants on fit porter les voiles bâbord amures, comme auparavant, et le Feu-Follet se remit en route en avant, gouvernant vers les rochers.

— Je vois un feu en mouvement du côté de Capri, capitaine, dit le premier lieutenant. Je suppose que c’est à bord de quelque bâtiment ennemi. Ils sont aussi nombreux que les mouettes dans les environs de cette baie.

— Vous avez raison, Pintard, c’est la Proserpine. Elle a fait hisser ce fanal pour servir de point de ralliement à ses embarcations. Elle est trop loin sous le vent pour qu’elle puisse nous inquiéter ; et nous sommes à peu près sûrs qu’entre cette frégate et les escadres qui sont à l’ancre près de Naples, il ne se trouve aucun bâtiment que nous devions craindre. — Tous nos feux sont-ils bien cachés ? Ayez soin d’y veiller, Pintard.

— Tout est en sûreté, capitaine. Le Feu-Follet ne montre jamais son feu que pour attirer quelque ennemi dans un bourbier.

Raoul sourit, et prononça le mot bon ! avec le ton d’emphase particulier aux Français. Et comme le lougre avançait rapidement vers les rochers, il passa lui-même sur le gaillard d’avant, pour veiller à ce qu’on n’eût aucun risque à courir. Ithuel, suivant son usage, était à son côté.

La plaine de Sorrento se termine, du côté la baie, par des montagnes de tuf perpendiculaires, et de hauteurs différentes, depuis cent jusqu’à près de deux cents pieds ; celles qui sont dans le voisinage de la ville sont les plus hautes, et elles sont couvertes de villas, de couvents et d’autres habitations, dont les fondations sont quelquefois placées sur des langues de rocher à cinquante pieds au-dessous des rues adjacentes. Raoul avait souvent fréquenté cette côte pendant le court règne de la faction Rufo, et il en connaissait presque toutes les parties. Il savait que son lougre pouvait, pour la plupart du temps, s’approcher des rochers presque jusqu’à les toucher, et il était convaincu que s’il rencontrait quelque embarcation de la Proserpine, ce ne pouvait être que près du rivage. Comme le vent descendait directement dans la baie à travers la campagne, entre le Vésuve et Castellamare, il fut obligé de virer vent devant dès que le Feu-Follet fut près des rochers, où l’obscurité était la plus grande et où il était