Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/35

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firent que fortifier le système physique et épanouir les esprits ; et la conversation prit une tournure générale et enjouée. À cette époque, le thé n’était connu dans tout le midi de l’Europe que comme un ingrédient qui ne se trouvait que chez les apothicaires ; encore n’en avaient-ils pas tous, et nos convives burent en place des liqueurs d’Italie qui n’agitaient guère davantage les nerfs, et qui n’étaient peut-être pas aussi nuisibles à la santé. Cependant l’étranger but et mangea avec modération ; car, quoiqu’il eût l’air de prendre part cordialement à l’entretien et de faire honneur au repas, il désirait vivement se trouver en liberté de suivre l’exécution de ses desseins.

Andréa Barrofaldi ne laissa pas échapper cette occasion de faire étalage de ses connaissances en présence du podestat ; il parla beaucoup de l’histoire, de la religion, du gouvernement, des lois, du climat et de l’industrie de l’Angleterre, en appelant fréquemment au capitaine pour confirmer la vérité de ses opinions. La plupart du temps, ils étaient étonnamment d’accord, car l’étranger était bien déterminé à donner son assentiment à tout ce qui ne laissait pas d’avoir ses difficultés ; car le vice-gouverneur faisait quelquefois ses questions de telle sorte, que l’acquiescement semblait être un dissentiment. Cependant le capitaine réussit assez bien à se tirer d’embarras ; et il parvint surtout heureusement à flatter l’amour-propre d’Andréa par ses expressions de surprise qu’un étranger pût connaître l’Angleterre aussi bien et à plusieurs égards mieux que lui, et que la géographie, les coutumes et les institutions de ce pays lui fussent si familières ; à tel point que, lorsque le flacon fut fini, le vice-gouverneur dit à l’oreille au podestat que l’étranger montrait tant de jugement et de connaissance, qu’il ne serait pas surpris que ce fût quelque agent secret du gouvernement britannique, chargé de prendre des informations sur le commerce et la navigation de l’Italie, dans la vue de donner de l’accroissement aux relations commerciales entre les deux pays.

— Vous êtes un admirateur de la noblesse ; votre cœur est tout dévoué à l’aristocratie, dit Barrofaldi dans le cours d’une conversation sur ce sujet ; et si la vérité était connue, peut-être êtes-vous même un rejeton de quelque noble maison ?

— Moi ! Peste ! je déteste un aristocrate autant que le diable !

Le capitaine s’était oublié un instant en prononçant ces mots avec chaleur, et il s’en repentit à l’instant.

— Cela est extraordinaire dans un Anglais. Ah ! je vois ce que c’est. Vous êtes dans l’opposizione, et vous trouvez nécessaire de parler ainsi. — C’est une chose singulière, mon cher Vito Viti, mais