Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/350

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impossible de le voir. À moins d’en être très-près. Pendant l’évolution, Raoul tressaillit, en s’entendant héler tout à coup.

— Ho, de la felouque s’écria en anglais une voix partant du canot qui touchait presque à l’avant du lougre.

— Hohé ! répondit Ithuel, levant un bras pour avertir tous ceux qui l’entouraient de se taire.

— Quel est ce bâtiment ? demanda encore la voix qui parlait sur le canot.

— Une felouque envoyée par l’amiral pour chercher la Proserpine ; et ne l’ayant pas trouvée près de Capri, nous retournons au mouillage de l’escadre.

— Attendez un instant, s’il vous plaît, Monsieur ; je passerai sur votre bord, et je vous tirerai peut-être d’embarras, car il arrive que je sais quelque chose de ce bâtiment.

— Volontiers, mais dépêchez-vous, je vous prie, car nous désirons profiter de ce bon vent, tandis qu’il dure.

Il est singulier qu’on se trompe si souvent, quand l’esprit commence par prendre une fausse direction ! Ce fut ce qui arriva à l’homme qui était sur le canot. Il s’était mis dans l’idée qu’il reconnaissait les contours d’une felouque, dont il se trouve un si grand nombre dans cette mer ; et il ne se présenta pas un instant à son imagination la pensée que ce pût être précisément le lougre qu’il avait inutilement cherché. Agissant d’après l’illusion à laquelle il se livrait, il mit son canot le long du bord, et l’instant d’après il fut sur le pont de son ennemi.

— Connaissez-vous Monsieur, Ithuel ? demanda Raoul, qui s’était avancé sur le passe-avant pour le recevoir.

— C’est M. Clinch, l’aide-master de la maudite Proserpine, — celui qui nous a parlé quand nous étions sur notre yole, à la hauteur de cette pointe là-bas.

— Quoi ! s’écria Clinch, sa voix laissant suffisamment voir son alarme, suis-je donc tombé entre les mains de Français ?

— Oui, Monsieur, répondit Raoul en le saluant poliment, mais non entre les mains d’ennemis. — Vous êtes à bord du Feu-Follet, et vous voyez Raoul Yvard.

— En ce cas, adieu, Jane, adieu pour toujours. J’ai passé une heureuse journée, quoique je n’aie pas manqué de besogne, car je commençais à me flatter qu’il y avait quelque chance en ma faveur. Un homme ne peut voir Nelson sans prendre courage et désirer de devenir quelque chose comme lui. Mais ce n’est pas dans une prison qu’on obtient de l’avancement.