Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/366

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c’est-à-dire des pièces de 12, et l’on en forma une batterie à l’endroit qui parut le plus convenable. On y porta aussi des munitions, et une quantité suffisante d’eau et d’approvisionnements.

Pendant ce temps, Raoul, aidé d’un officier, se disposait à retirer le lougre de sa position. Il voulut se charger lui-même du soin de présider à cette opération, qui était alors le point le plus important ; car elle exigeait de l’adresse, du jugement et de la prudence. Les forces physiques de l’équipage furent réservées pour le moment décisif. Enfin, tout fut prêt, et le moment arriva où la grande tentative devait avoir lieu. Il y avait alors quatre heures que le lougre était échoué, et trois que le soleil était levé. Raoul calculait que les vaisseaux anglais qui étaient à Capri devaient alors être informés de l’accident fatal qui lui était arrivé. Il lui restait donc peu de temps, et il avait encore beaucoup de choses à faire. On mit tout le monde sur les barres du cabestan, et l’on commença à virer.

Dès que Raoul vit le câble se roidir, il fut convaincu que l’ancre tiendrait. Une des pattes s’était heureusement accrochée au rocher, circonstance que le résultat seul pouvait faire connaître ; mais, à moins que le fer ne se rompît, il n’y avait pas à craindre que cet instrument de salut leur manquât. On finit le plus rapidement possible d’alléger le navire, et l’on entendit ensuite l’ordre : Virez au cabestan ! Mais tous les efforts furent inutiles ; on gagna l’un après l’autre quelques pouces de câble, et il semblait que toutes les fibres du chanvre qui le composait étaient arrivées à leur dernier degré de tension, mais le lougre restait comme enraciné sur les rochers. Les mousses mêmes furent appelés aux barres du cabestan, et la force réunie de tout l’équipage, en y comprenant les officiers, n’obtint pas un résultat plus satisfaisant. Il fut un instant ou Raoul pensa que ce qu’il avait de mieux à faire était de mettre le feu au lougre, de faire passer tout son équipage à bord de la felouque, et de gouverner au sud assez à temps pour éviter la visite attendue des Anglais. Il en fit même la proposition à ses officiers ; mais c’était à contre-cœur, et elle était faite à des hommes à qui ce parti ne répugnait pas moins qu’à leur capitaine. L’idée d’abandonner un bâtiment si léger, si beau, si parfait, leur parut à tous trop pénible, tant qu’il restait la plus faible espérance de le sauver.

Raoul avait compté les heures et les minutes avec l’exactitude d’un général prudent. Le moment ou l’on devait attendre les canots anglais était presque arrivé, et il commença à espérer que les Napolitains avaient fait la bévue d’envoyer les renseignements à l’escadre mouillée dans la baie de Naples, au lieu de les transmettre aux bâtiments an-