Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps toute leur artillerie, ce qu’ils n’auraient pu faire s’ils en eussent mis deux de chaque côté.

Raoul avait placé parmi les ruines quatre autres pièces de canon, et l’on avait trouvé à bord du lougre tout ce qu’il fallait pour les établir en batterie. Quand ce travail fut terminé, il l’examina avec soin, et il en fut satisfait. Les ruines étaient peu de chose en elles-mêmes, et à une distance même peu éloignée elles étaient à peine visibles ; cependant, à l’aide de la conformation naturelle du rocher, et en déplaçant quelques grosses pierres pour les porter dans des situations où elles seraient plus utiles, les marins français trouvèrent moyen de les faire servir à leur défense. Ces pièces de canon furent disposées en barbette, mais une inclinaison de la surface du rocher permettait aux artilleurs de mettre leur tête à couvert en reculant seulement de quelques pieds ; cependant ceux qui devraient les recharger auraient à courir un plus grand danger.

Le chirurgien, Giuntotardi et Ghita étaient établis dans une cavité du rocher, où ils étaient complètement à l’abri de tout danger tant que l’ennemi attaquerait du côté de la terre, quoiqu’ils ne fussent qu’à une centaine de pieds de la batterie. Le premier s’occupait des préparatifs nécessaires pour l’exercice de sa profession, sanglante sinon sanguinaire, et mettait en ordre ses instruments, sondes, scalpels, tourniquets, scies, etc., sans que personne songeât à lui, pas même ses deux compagnons qui étaient déjà en prière.

À l’instant où toutes ces dispositions venaient d’être terminées, Ithuel, qui avait toujours un œil au vent, héla Raoul pour lui demander s’il ne vaudrait pas mieux hisser toutes les vergues au haut de leurs mâts, au lieu de les laisser étendues sur le pont, où elles ne servaient qu’à l’encombrer. Raoul n’avait aucune objection à faire à cette mesure, le calme continuant encore, et la felouque et le lougre hissèrent leurs vergues à leurs places, les voiles étant enverguées et sur leurs cargues. C’est ce qu’on voit ordinairement sur les felouques, quoique moins souvent sur les lougres. L’Américain pensait qu’il serait à propos que tout fût préparé sur son bord pour pouvoir fuir au besoin, et il fut d’autant plus charmé de voir adopter sa proposition à bord des deux bâtiments, que les Anglais seraient doublement embarrassés pour en poursuivre deux en même temps, si une chasse avait lieu.

Du côté des Anglais, toutes les difficultés avaient été résolues, et tous les arrangements préliminaires avaient été faits. Le capitaine sir Frédéric Dashwood commandait l’expédition ; et les lieutenants Winchester et Griffin, après quelques protestations faites tout haut,