Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/95

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survenir, il fila jusqu’au delà de l’extrémité du quai, et jeta l’ancre à quelques brasses de l’endroit d’où il était parti le matin, laissant tout simplement tomber son ancre à jet et restant à pic. Il descendit ensuite dans un canot, et aborda au lieu ordinaire du débarquement.

— Eh, signor capitano, s’écria Vito Viti avec un ton de cordialité, dès que son nouveau protégé eut appuyé un pied sur le rivage, nous vous attendions ici pour avoir le plaisir de vous recevoir en quelque sorte dans notre sein, ici sur notre port. Comme vous avez fait joliment courir ce sans-culotte ce matin ! Ah ! les Inglesi sont la grande nation de l’Océan, malgré Colombo ! Le vice-gouverneur m’a raconté tout ce qui concerne votre illustre femme-amiral, Élisabeth, et l’armada espagnole. Eh bien, il y avait alors un Nelsoni, et à présent il y a un sir Smit.

Raoul reçut de la meilleure grâce possible les compliments faits à l’Angleterre et à lui-même, serra la main du podestat avec un air de condescendance, et joua le rôle de grand homme comme s’il eût été habitué dès l’enfance à respirer un pareil encens. Comme cela convenait à son grade et à son caractère, il dit qu’il se proposait d’aller rendre ses devoirs sur-le-champ à l’autorité supérieure de l’île.

— Mon maître le roi George, dit-il en marchant avec Vito Viti vers la résidence du vice-gouverneur, insiste particulièrement sur ce point avec nous tous quand il nous donne personnellement nos instructions. Smit, me dit-il la dernière fois que je pris congé de lui, n’entrez jamais dans aucun port de mes alliés, sans aller de suite rendre vos devoirs au commandant de la place. Vous ne perdrez jamais rien à être libéral de politesses, et l’Angleterre est un pays trop policé pour se laisser surpasser à cet égard, même par les Italiens, qui sont les pères de la civilisation moderne.

— Vous êtes heureux d’avoir un tel souverain ; et encore plus d’avoir la permission d’approcher ainsi de sa personne sacrée.

— Oh ! quant à cela, les marins sont l’objet de sa faveur spéciale ; nous autres capitaines particulièrement, il nous considère comme ses enfants. Ne venez jamais à Londres, mon cher Smit, me dit-il encore, sans entrer dans mon palais ; vous y trouverez toujours un père. — Vous savez sans doute qu’il a un de ses fils dans la marine ? Il n’y a pas longtemps que ce fils n’était encore que capitaine comme moi.

San Stefano ! le fils d’un si grand roi ! — Je vous avouerai que j’ignorais tout cela, Signor.