Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Il existe en Angleterre une loi qui ordonne que le roi place au moins un de ses fils dans la marine. — Oui, ajouta Sa Majesté, soyez toujours prompt à rendre visite aux autorités supérieures, et rappelez-moi à elles avec bienveillance et affection, et même aux magistrats subordonnés qui vivent dans leur intimité.

Raoul jouait un rôle en parlant ainsi, et il aimait à en jouer de semblables, mais il était trop enclin à les charger. Comme tous les génies extrêmement audacieux et décidés, il avait toujours un pied avancé sur cet étroit espace qui sépare le sublime du ridicule, et par conséquent il s’exposait souvent au risque d’être découvert. Mais il n’en courait guère avec Vito Viti, que son ignorance et son amour pour le merveilleux disposaient à la crédulité, et qui était tout glorieux de converser avec un homme qui avait eu lui-même l’honneur de converser avec un roi. Chemin faisant, il laissa échapper en haletant quelques-unes des idées qui l’occupaient.

— N’est-ce pas un bonheur de servir un tel prince, et même de mourir pour lui ? s’écria-t-il.

— Je n’ai pas encore eu ce second bonheur, répondit Raoul de l’air le plus innocent, mais cela peut m’arriver d’un jour à l’autre. — Ne pensez-vous pas, signor podestat, que celui qui meurt pour son souverain mériterait la canonisation ?

— Cela remplirait trop le calendrier pendant cette guerre, Signor ; mais je serais volontiers de votre avis pour les généraux, les amiraux et autres grands personnages. Si un général ou un amiral qui meurt pour son souverain mérite d’être canonisé, cela laissé ces misérables républicains français sans espoir et sans honneur.

— C’est de la canaille depuis le premier jusqu’au dernier, Signor ; et ils n’ont rien de bon à espérer. S’ils désirent être canonisés, qu’ils rappellent les Bourbons, et qu’ils prennent ainsi un moyen légitime pour obtenir ce bonheur. — La chasse de ce matin a du moins dû amuser la ville, signor Vito Viti ?

Le podestat profita de cette question pour conter l’histoire de ses sensations, de ses émotions et de ses transports. Il s’étendit en termes pompeux sur le service que le lougre avait rendu à la ville en en éloignant ces vauriens de républicains, et dit qu’il regardait la manœuvre de passer devant le port, au lieu d’y entrer, comme une des plus remarquables dont il eût entendu parler, ou qu’il eût jamais lues dans les livres.

— J’ai défié le vice-gouverneur, continua-t-il, de me citer un exemple de plus belle inspiration dans toute l’histoire à commencer par son Tacite, et à finir par votre nouvel ouvrage anglais sur