Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/110

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CHAPITRE VIII.


Tu es toujours la même, mer éternelle. La terre a ses formes diverses de vallées et de collines, d’arbres et de fleurs : des champs qu’échauffent les rayons brûlants du soleil, que durcit le souffle aride de l’hiver, que l’automne couvre d’une toison d’or ; toi, que ton front soit serein, ou chargé de tempêtes, tu vas toujours lancer à la côte ton écume rugissante.
Lynt.


Peu de jours après notre arrivée à New-York, j’eus une conversation sérieuse avec mon tuteur sur mes nouveaux projets de voyage. L’armement de la marine tenait en émoi tout le pays. Les chapeaux à trois cornes, les habits bleus, les revers blancs, commençaient à se montrer dans les rues ; car on sait avec quel plaisir le nouvel officier fait parade de son nouvel uniforme. Aujourd’hui on rencontre presque à chaque pas des marins distingués, et rien sur leurs personnes n’indique leur profession, à moins qu’ils ne soient de service ; la cocarde même est mise de côté ; mais en 1799 à peine avait-on reçu son brevet qu’on endossait le harnois. De tous côtés on ne voyait que des bâtiments en construction, et je ne sais comment j’échappai à la fièvre générale, et ne demandai pas un emploi de midshipman. Si j’avais rencontré un capitaine qui m’eût plu autant que le capitaine Dale, il est probable que ma carrière eût été toute différente, mais j’étais imbu du préjugé que Southey, dans sa vie de Nelson, aussi intéressante que peu instructive au point de vue pratique, attribue à son héros : — Sur l’arrière, plus d’honneur ; sur l’avant, marin meilleur. — Comme tous les jeunes cadets qui commencent bravement sur le gaillard d’avant, j’étais fier des peines et des fatigues que j’avais bravées, et je résolus de continuer comme j’avais commencé, et de suivre les traces de mon père.

Il ne pouvait être question de corsaires dans une guerre contre un pays qui n’avait pas de commerce. D’ailleurs, je ne sais si en aucune circonstance j’aurais aimé à m’embarquer sur un pareil bâtiment. Faire la guerre uniquement dans la vue du gain, c’était une chose peu honorable à mes yeux, quoique en même temps je doive reconnaître que le système américain, d’après lequel des croiseurs étaient armés en course, était beaucoup plus respectable et mieux entendu que celui de la plupart des autres nations. Prendre du service à bord d’un bâtiment porteur de lettres de marque, c’était tout différent. Son but régulier est le commerce ; il n’arme que pour se défendre, et s’il fait quelque capture, ce n’est que sur les ennemis qui