Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/168

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toises de diamètre, et je n’ai jamais vu une étendue d’eau, qui ne fût pas l’œuvre de l’homme, se rapprocher autant de la forme d’un cercle. Dans un pareil endroit, le lecteur imagine bien que nous ne voulûmes pas nous aventurer sans avoir pris les précautions convenables ; Marbre fut envoyé d’abord pour reconnaître les lieux et pour sonder, et ce fut sur son rapport que le capitaine Williams se décida à faire entrer notre bâtiment.

À cette époque, les navigateurs sur la côte nord-ouest devaient se prémunir avec soin contre les trahisons et les violences des naturels ; aussi la situation de notre rade était-elle de nature à nous inspirer quelque défiance ; car, étant amarrés au centre, nous ne nous trouvions qu’à une portée de flèche du rivage, dans tous les sens, excepté du côté de l’étroite entrée du bassin. C’était un ancrage excellent contre les dangers de la mer, mais peu rassurant contre ceux dont pouvaient nous menacer les sauvages. C’est ce que nous reconnûmes dès que nous eûmes jeté l’ancre ; mais, n’ayant l’intention de rester que le temps nécessaire pour nous procurer les peaux qu’on nous avait dit être prêtes pour le premier bâtiment qui paraîtrait, nous nous en fiâmes à notre vigilance pour notre sûreté dans l’intervalle.

Je n’ai jamais pu fixer dans ma mémoire les expressions barbares des sauvages, plus barbares encore, qui habitent ces lointaines régions. Notre pilote avait certainement un nom de son pays, mais ce nom n’eût pu être prononcé sans beaucoup d’efforts par une langue chrétienne, et nous l’appelâmes le Plongeur, à cause de la manière dont il s’était enfoncé dans l’eau en entendant un coup de fusil que Marbre avait tiré uniquement pour décharger son arme. À peine étions-nous entrés dans le petit bassin, que le Plongeur nous quitta, et il revint une heure après dans un canot chargé jusqu’au bord de peaux magnifiques ; il était accompagné de trois sauvages qui avaient l’air aussi farouche et aussi cupide que lui. Ces auxiliaires reçurent de nous, cette après-midi même, à raison de diverses petites circonstances, les sobriquets d’Échalas, de Pot d’Étain et de Nez Fendu ; ce n’étaient, certes, pas des noms héroïques, mais ceux qui les portaient n’avaient rien en effet de ce caractère héroïque que présente souvent l’homme dans l’état sauvage. Je ne saurais dire à quelle tribu appartenaient ces dignes acolytes, et je ne connais de leur histoire et de leurs mœurs que le peu de faits que j’ai pu observer personnellement. Je fis quelques questions au capitaine, afin d’obtenir des renseignements sur ce point ; mais, tout ce que je pus savoir, c’est que ce peuple attachait une grande valeur