Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à le faire savoir à Marbre, en employant des expressions que le Plongeur ne pouvait comprendre ; je n’obtins aucune réponse ; le silence de la mort régnait dans l’intérieur du navire, au lieu du bruit qu’on y entendait auparavant. L’Échalas parut frappé de ce changement, et je remarquai qu’il donnait des ordres à deux ou trois des sauvages les plus âgés, sans doute pour recommander un redoublement de vigilance. J’avoue que je me trouvais alors fort mal à l’aise, car l’attente est une compagnie peu agréable, dans une pareille position, surtout quand vient s’y joindre l’incertitude.

L’Échalas pensa alors qu’il était temps de commencer ses opérations, sans plus tarder, sous la direction du Plongeur. On jeta dans la chaloupe une certaine quantité de lignes, les drisses des bonnettes, et tous les autres cordages d’une certaine grandeur que l’on put trouver, et la chaloupe fut remorquée jusqu’à l’île au moyen de deux ou trois canots. Les Indiens opérèrent alors avec leur cordage ce que les marins appellent un « hale-à-terre, » en attachant un bout à un arbre, et laissant filer la ligne jusqu’à ce que la chaloupe fût de nouveau remorquée jusqu’au navire. Le calcul du Plongeur se trouva juste, la corde allait du navire à l’arbre.

Dès que cette opération fut accomplie, et elle le fut avec assez de promptitude, bien qu’avec quelque désordre, vingt à trente sauvages se mirent à serrer la remorque, jusqu’à ce qu’ils lui eussent donné toute la tension qu’elle était susceptible de recevoir ; ils s’arrêtèrent alors, et je les vis faire des recherches dans la cuisine, pour trouver la hache du cuisinier, ayant évidemment l’intention de couper les câbles. Je pensai qu’il y avait lieu de communiquer le fait à Marbre, et je résolus de le faire au péril de ma vie.

— Les Indiens ont attaché un cordage à l’île, et sont sur le point de couper les câbles, voulant sans doute touer le bâtiment sur la côte, à la même place où ils ont pris autrefois la Loutre de mer.

— Eh bien ! laissez-les faire, nous serons prêts à temps ; ce fut la seule réponse qui me fut faite.

Je n’ai jamais su à quoi attribuer l’apathie que montrèrent les sauvages en nous voyant communiquer ainsi : au désir que le fait fût connu de l’équipage enfermé, ou bien à l’indifférence ? Ils procédèrent, du reste, dans leurs mouvements avec autant de sang-froid que s’ils avaient été les seuls possesseurs de tout le bâtiment. Ils avaient six ou huit canots sur lesquels plusieurs d’entre eux se mirent à manœuvrer autour du navire avec autant de confiance que s’ils s’étaient trouvés dans un port ami. Ce qui me surprit ensuite le plus, c’était leur calme et leur soumission aux ordres qu’ils recevaient. À la fin,