Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/211

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bien connus des navigateurs, et ils nous donnent une idée assez exacte de la manière dont la face du globe a subi quelques-unes de ses transformations. Je trouvai la terre d’un accès facile, basse, boisée, et sans aucun signe d’habitation. La nuit était si belle, que je n’aventurai dans l’intérieur, et, après avoir marché plus d’un mille, presque toujours à travers un bois de cocotiers et de bananiers, j’arrivai au bassin naturel qu’on trouve ordinairement dans les îles de cette formation particulière. La passe était à peu de distance, et j’envoyai dire par un des matelots d’y amener la yole. Je jetai la sonde dans la baie et dans la passe, et je trouvai presque partout dix brasses d’eau sur un fond sablonneux ; comme je m’y attendais, l’endroit le moins profond était la passe, encore n’y avait-il nulle part moins de cinq brasses. Il était alors minuit, et je serais resté dans l’île jusqu’au matin, pour continuer mes recherches à la faveur du jour ; mais j’aperçus la Crisis sous voiles, si près de nous que je fus convaincu qu’elle dérivait vers la terre ; je n’hésitai pas, et je retournai sur-le-champ à bord.

Je ne me trompais pas : les rochers avaient ragué le câble, et Marbre était sous voiles, attendant mon retour pour décider où il pourrait de nouveau jeter l’ancre. Je lui parlai du bassin nu milieu de l’île, en lui donnant l’assurance qu’il y avait assez d’eau. Ma réputation était faite depuis la manière dont j’avais dirigé la Crisis dans la passe, et je fus chargé de la conduire dans ce nouveau port.

La tâche n’était pas difficile. La faiblesse du vent, l’incertitude sur la direction des courants pouvaient seules nous donner quelque peine ; mais, après avoir tâtonné un peu, je trouvai le passage. Par surcroît de précaution, j’envoyai Talcott en avant dans la chaloupe ; et bientôt après, la Crisis flottait au milieu du bassin. Nulle part nous n’aurions pu trouver un abri plus sûr. Mouillée sur une seule ancre, elle y eût bravé tous les coups de vent et toutes les tempêtes. Notre sécurité était si profonde, que nous carguâmes toutes nos voiles, et, après avoir établi un seul homme pour le quart, nous gagnâmes nos hamacs.

Jamais je n’avais reposé ma tête à bord d’un bâtiment avec un sentiment de satisfaction plus vif. Avouons-le : j’étais parfaitement content de moi. C’était grâce à ma décision et à ma vigilance que le bâtiment avait été sauvé, près du récif, et je crois qu’il aurait échoué contre les rochers, si je n’avais pas découvert son mouillage actuel. Au contraire, il était à l’abri, entouré de terre de tous côtés, avec un bon fond, beaucoup d’eau et un excellent ancrage. Au milieu de la Mer Pacifique, loin de tous officiers de douanes, dans une île in-