Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/213

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autant, quoiqu’il ne soit pas facile de dormir quand on vient de faire une semblable découverte. — Bonne nuit, Miles !

Tel fut le dialogue échangé entre nous, à ce que me raconta Marbre par la suite. Jamais on ne dormit plus paisiblement que nous ne le fîmes pendant les cinq heures qui suivirent. Le bâtiment était aussi silencieux qu’une église un jour ouvrable. Pour moi, je ne vis, je n’entendis rien jusqu’au moment où je me sentis tirer violemment par l’épaule. Je crus qu’on me réveillait pour mon quart, et je fus debout en un instant. Ébloui par les rayons du soleil qui pénétraient par la fenêtre, je ne vis pas dans le premier instant que c’était le capitaine en personne.

— Miles, me dit-il d’un air grave, il y a une sédition à bord ! Entendez-vous, monsieur Wallingford, une détestable sédition !

— Comment donc, commandant ? je n’y comprends rien ; nos matelots semblaient contents.

— Voyez-vous : jetez une pièce de cuivre en l’air, vous ne savez jamais si elle retombera croix ou pile. Je m’étais couché hier bien tranquille. Je me lève, et je trouve tout en déroute.

— Mais, commandant, je n’entends pas de bruit ; le bâtiment est toujours à la même place ; ne vous trompez-vous pas ?

— Non. Je me suis levé il y a quelques minutes, et j’allais monter sur le pont pour regarder votre bassin et respirer le frais, quand j’ai trouvé le dôme de l’échelle fermé à la manière de l’Échalas. Vous accorderez sans doute qu’un équipage n’oserait pas enfermer ses officiers, s’il n’avait l’intention de s’emparer du bâtiment ?

— Voilà qui est extraordinaire ! Peut-être quelque accident est-il arrivé aux portes ? Avez-vous appelé, commandant ?

— J’ai frappé coup sur coup comme un amiral, mais point de réponse. J’allais essayer d’enfoncer la porte, quand j’ai entendu sur le pont des éclats de rire mal comprimés, et alors j’ai su à quoi m’en tenir. Quand des matelots rient à la barbe de leurs officiers, en même temps qu’ils les mettent sous les verrous, vous conviendrez peut-être que cela frise la révolte ?

— Sans doute, commandant. Ne ferons-nous pas bien de nous armer ?

— C’est ce que j’ai déjà fait. Vous trouverez des pistolets chargés dans la grande chambre.

En deux minutes les deux autres officiers nous avaient rejoints ; ils s’armèrent comme nous, et Marbre voulait sur-le-champ tenter une sortie ; mais je lui fis remarquer qu’il n’était pas probable que Neb et le maître d’hôtel fussent du complot, et qu’il serait à propos