Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rables ou de belles prairies, et en plus de cent acres de collines assez bien boisées. Le premier membre de notre famille qui l’habita avait construit une maison solide en pierres à un seul étage, qui porte la date de 1707. Chacun de ses successeurs y avait fait quelques additions, et le tout ressemblait à un amas de chaumières jetées çà et là sans aucun égard pour l’ordre et pour la symétrie. Il y avait pourtant un vestibule, une grande porte et une pelouse. La pelouse pouvait avoir six acres d’un sol aussi noir que de la suie, et huit ou dix ormes y couraient les uns après les autres, comme s’ils avaient été semés a la volée.

Si en voyant Clawbonny on soupçonnait que c’était la résidence d’un agriculteur aisé, ce n’était pas qu’on y remarquât ces prétentions à l’élégance si communes aujourd’hui. La maison avait à l’intérieur un air de comfort substantiel auquel l’intérieur répondait. Les plafonds étaient bas, il est vrai, et les chambres assez petites ; mais ces chambres étaient chaudes en hiver, fraîches en été, propres et bien rangées dans tous les temps. Les parloirs avaient des tapis ; il en était de même des corridors et des principales chambres à coucher, et il y avait un vieux sopha d’indienne avec de bons coussins bien rembourrés, ainsi que des rideaux pareils, dans « le grand parloir, » nom que nous donnions à l’appartement principal, car avant l’an 1796, ou, du moins, du plus loin que je me rappelle, le nom de salon n’avait pas pénétré dans notre vallée.

Nous avions des vergers, des prairies, des plaines autour de nous, tandis que les greniers, les granges, toutes les dépendances de la ferme, étaient, comme le bâtiment, en pierre de taille, et toutes dans le meilleur état. Indépendamment de la ferme qu’il tenait de mon grand père, libre de toute charge, garnie de provisions et d’ustensiles de toute espèce, mon père avait rapporté de la mer quelque quatorze ou quinze mille dollars qu’il avait placés sur bonnes hypothèques dans le pays. Ma mère lui avait apporté deux mille sept cents livres sterling, placées aussi solidement ; et après deux ou trois grands propriétaires fonciers et autant de négociants retirés d’York, le capitaine Wallingford passait généralement pour un des habitants les plus à leur aise de l’Ulster. Je ne sais pas exactement à quel point cette réputation était méritée ; ce que je sais, c’est que je ne vis jamais que l’abondance la mieux entendue sous le toit paternel, et que jamais non plus les pauvres ne s’en allaient les mains vides. Il est vrai que notre vin était fait avec des groseilles ; mais il était délicieux, et la cave en était toujours assez bien garnie pour que nous pussions ne le boire que lorsqu’il avait trois ou quatre ans. Cependant mon père avait une