Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/266

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cargaison française qui pouvaient se vendre aisément aux États-Unis, furent transportés à bord du schooner. Marbre avait annoncé publiquement sa détermination de rester dans l’île, de renoncer à la mer et de se faire ermite. Pour commencer, il abandonna le commandement de la Polly, et je fus obligé de le confier à notre troisième lieutenant, officier très-capable qui en avait déjà été chargé. À la fin de la semaine, le schooner était prêt, et, désespérant de rien obtenir de Marbre, je donnai l’ordre d’appareiller, en recommandant au lieutenant de doubler le cap Horn, et surtout d’éviter le détroit de Magellan. J’écrivis aux armateurs le détail de tout ce qui s’était passé, et mes plans pour l’avenir, me bornant à dire que M. Marbre avait cru, par des motifs de délicatesse, devoir résigner ses fonctions, depuis la reprise du bâtiment ; et qu’à l’avenir je serais chargé de leurs intérêts. Le schooner partit avec ces dépêches.

Quant à la Crisis, elle était toute prête ; et si je différais encore, c’était pour Marbre. J’eus recours à l’influence du major Merton ; mais par malheur le major s’était tellement prononcé en faveur du projet, quand il n’était qu’à l’état de simple spéculation, qu’il avait mauvaise grâce à se réfuter lui-même. Émilie ne fut pas plus heureuse. Il fallait ou employer la force ou céder. Après une longue consultation avec le major, ce fut à ce dernier parti que je me résignai.


CHAPITRE XX.


Passe ton chemin, monde implacable ; je ne regrette aucun des biens que ta m’as repris ! Passe, au nom du ciel, — seulement laisse-moi ce que tu ne m’as jamais donné.
Lunt.


Après avoir épuisé tous les moyens de persuasion, il ne nous restait qu’à faire tous nos efforts pour adoucir et améliorer la situation dans laquelle Marbre persistait à se mettre. Il n’y avait pas d’ennemis à craindre, pas de précautions, par conséquent, à prendre pour sa défense ; nous réunîmes ce qui restait de planches et d’autres matériaux au chantier pour lui construire une cabane qui lui offrît un abri plus sûr qu’une tente contre les tempêtes du tropique. Elle avait douze pieds de large sur quinze à dix-huit pieds de long ; on y adapta trois fenêtres et une porte provenant du bâtiment naufragé. La chaleur du climat rendait une cheminée inutile, mais les Français avaient établi à terre leur cambuse : on la plaça sous un abri conve-