Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/272

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Marbre d’avouer sa méprise, dit le major, et de profiter de cette excellente occasion d’aller à Canton, où il aurait pu passer sur un autre bâtiment, s’il l’avait cru nécessaire.

— Comme nous le ferons sans doute, n’est-ce pas, cher père ? ajouta Émilie avec une intention marquée. Il sera bien temps de débarrasser le capitaine Wallingford de nos personnes.

— Ainsi donc, une société aussi aimable serait, suivant vous, un embarras, miss Merton ? répondis-je vivement. Vous n’en croyez rien, j’en suis sûr ; à présent que M. Le Compte a construit cette dunette, et que vous êtes logés un peu plus commodément, le moment de la séparation viendra toujours pour moi beaucoup trop vite.

Un sentiment de satisfaction se peignit sur le visage d’Émilie, tandis que le major semblait pensif : après un moment de silence, il reprit :

— Je serais plus honteux encore de l’embarras que nous donnons, surtout en voyant que Wallingford ne veut accepter, ni pour lui ni pour ses armateurs, aucune compensation même de la dépense que nous occasionnons, si nous avions pu faire autrement. Mais dès que nous serons arrivés à Canton, nous nous embarquerons sur le premier bâtiment anglais qui voudra nous recevoir.

Je me récriai contre un pareil arrangement ; et cependant je n’avais guère de bonnes raisons à donner pour le combattre. Je ne pouvais aller ni en Angleterre, ni à Bombay ; et c’était entre ces deux routes que le major pouvait seulement hésiter. La conversation se prolongea encore quelque temps ; et, lorsque je me retirai, je remarquai qu’Émilie semblait plus triste.

C’est une longue route à parcourir que la moitié de la mer Pacifique ; et ce fut une grande ressource pour Talcott et pour moi, pendant ces longues semaines de loisir, de pouvoir jouir de la société que le hasard nous avait si heureusement procurée. Je tirai un grand profit de mes rapports continuels avec les Mertons. Le major, sans avoir rien de brillant, avait un esprit cultivé, et à notre âge deux jeunes gens ne pouvaient se trouver chaque jour, presque à chaque heure, avec une jeune personne telle qu’Émilie sans perdre un peu de la rudesse ordinaire de notre profession, pour prendre les manières plus douces et plus aimables des salons. Si, au lieu d’être ridiculement timide auprès des femmes, j’acquis un peu d’aplomb et d’assurance, je le dus assurément à cette heureuse circonstance.

Enfin j’entrai dans la mer de la Chine, et, ayant le vent favorable, j’arrivai promptement à Canton. Obligé de m’occuper des intérêts de mes armateurs, je débarquai mes passagers à Wampoa, et nous