Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/282

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Ce résultat, en ce qui concerne New-York, n’est pas aussi étonnant qu’on pourrait le croire au premier coup d’œil. Envisagée comme classe, ce que j’appellerai la noblesse de New-York faisait cause commune avec la couronne. Il est vrai que la portion de cette classe que je pourrais presque appeler baroniale, était divisée en deux partis ; mais la grande majorité de l’élite de la société était, je le répète, pour la couronne. La paix de 83 trouva une grande partie des membres de cette classe en possession de leurs anciennes positions sociales ; les confiscations n’ayant guère atteint que les plus riches des coupables. Je puis citer un exemple, qui est à ma connaissance personnelle, de la sorte de justice qui présidait à ces confiscations. Le chef d’une des familles les plus importantes de la colonie était un homme du caractère le plus indolent, et incapable de la moindre activité. Il était immensément riche ; ses biens furent confisqués et vendus. Ce traître si dangereux avait un frère cadet qui servait dans l’armée anglaise en Amérique, et dont le régiment avait pris part aux batailles de Bunker-Hill, de Brandywine, de Montmouth, etc. Mais le major était un fils cadet ; ce fut un mérite au point de vue républicain ; il échappa aux conséquences de son adhésion à la couronne ; et, après la révolution, revenu dans son pays natal, il y prit possession de propriétés assez considérables, tandis que son aîné passait ses jours dans l’exil, expiant cruellement le malheur d’être riche, crime irrémissible en temps de révolution.

Ces considérations expliquent le haut prix que la société de Manhattan mettait à cultiver des relations avec les Anglais. On avait pour eux cette admiration provinciale qui va jusqu’à l’engouement ; admiration qui avait son principe dans ce mélange de sentiments de loyauté, de petitesse, d’égoïsme et de bonne foi, qui fut aussi le fondement de l’hostilité politique aux mouvements de la révolution française.

Il n’est donc pas étonnant que le major Merton et sa fille reçussent, à peine arrivés, l’accueil le plus empressé. Une sorte d’intérêt de roman s’attachait en même temps à leurs aventures, et je n’avais pas d’inquiétude à concevoir à leur égard : ils seraient bientôt traités moins en étrangers que moi-même, qui revenais dans mon pays natal.

Neb vint m’annoncer qu’il était à mes ordres, et je lui dis de me suivre. Mon intention était de passer dans les bureaux des armateurs, d’y prendre quelques lettres qui m’attendaient, d’y répondre, et d’envoyer ensuite le nègre à Clawbonny pour annoncer mon retour. En 1802, la Batterie était le point de réunion de la belle société, et la promenade à