Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/308

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vous être inutile ? Hiram a beaucoup de bon sens à sa manière.

— Sans doute, Hiram et moi, nous avons tout fait, avec l’aide de la bonne Providence. En vérité, mon garçon, vous devez être satisfait de votre lot sur la terre, car tout semble prospérer autour de vous. Maintenant il faudra songer un de ces jours à nous marier, pour transmettre Clawbonny à notre fils, comme nous l’avons reçu de nos pères.

— Je garde cette espérance en perspective, mon cher tuteur ; — ou, comme nous disons noms autres marins, pour ancre de miséricorde.

— Votre espoir de salut est votre ancre de miséricorde, n’est-ce pas, mon enfant ? Mais il ne faut pas être trop sévère avec les jeunes gens, et il faut bien leur donner un peu carrière dans leurs imaginations. Oui, oui, j’espère que vous ferez un jour infidélité à votre Aurore. Ce sera un beau jour pour moi que celui où je verrai une nouvelle mistress Miles Wallingford à Clawbonny. Ce sera la troisième ; car je me rappelle parfaitement votre grand’mère.

— Et avez-vous quelque personne à me proposer pour ce poste important ? dis-je en affectant de sourire, mais très-curieux d’entendre la réponse.

— Que pensez-vous de miss Merton, mon garçon ? Elle est jolie, et cela plaît aux jeunes gens ; elle a de l’esprit, et cela plaît aux vieillards ; elle est bien élevée, et cela dure quand la beauté est partie ; enfin, autant que j’en puis juger, elle est aimable, et c’est une qualité aussi nécessaire dans une femme que la fidélité. Aimable, Miles, entendez-vous ? cherchez cela avant tout.

— Et qu’est-ce qu’une femme aimable, Monsieur ? Voyons, aidez-moi à la reconnaître.

— Très-judicieuse question, mon ami, et qui demande une sérieuse réponse. C’est celle qui ne connaît point l’égoïsme, qui vit moins pour elle que pour les autres, ou du moins qui trouve son bonheur dans le bonheur de ceux qu’elle aime. Un bon cœur, des principes solides, voilà ce qui constitue la femme aimable, quoique l’humeur et le caractère y entrent aussi pour beaucoup.

— Et en connaîtriez-vous par hasard, je vous prie ?

— Mais votre sœur, par exemple, qui n’a jamais, que je sache, fait la moindre peine à âme qui vive, la chère enfant !

— Vous conviendrez, mon excellent tuteur, que je ne puis guère épouser Grace ?

— Et c’est tant pis, vraiment, car vous ne pourriez faire un meilleur choix, et je me verrais déchargé de toute responsabilité.