Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/371

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culières, à ce que je lui ai entendu dire. Je ne sais si sa sœur n’a pas un petit legs, ou bien si la fortune n’est pas réversible sur sa tête, dans le cas où Rupert mourrait sans enfants. Croiriez-vous bien que le bruit avait couru que mistress Rradfort avait tout laissé à Lucie ? Comme on fait des histoires cependant ! moi qui sais de source certaine qu’il n’en est rien. — Cette source certaine, c’était Rupert qui, depuis son enfance, ne s’était jamais fait scrupule d’altérer la vérité dans son intérêt. — Enfin je sais qu’il y a un article qui la concerne, quoique de peu d’importance, et les dispositions faites en sa faveur sont sans doute soumises à la condition qu’elle se mariera avec le consentement de son frère. La vieille dame était pleine de bon sens, et elle a fait sans doute tout ce qui était nécessaire.

C’est étonnant à quel point on s’abuse sur les fortunes, et ceux qui s’en inquiètent le plus sont souvent les premiers trompés. Le major était évidemment la dupe de Rupert, quoique je ne visse pas ce que celui-ci pouvait espérer de tout ce manège. Il ne m’appartenait pas de le détromper ; mais je n’étais pas à mon aise, et je ne fus pas fâché d’entendre dans la salle un mouvement qui annonçait la fin de l’acte. Je courus à la porte de la loge, et, à mon grand regret, je vis sortir mistress Drewett ; ces dames trouvaient la petite pièce si insipide, qu’elles n’avaient pas la patience d’en entendre davantage. Rupert me jeta un coup d’œil inquiet, et il me prit même à l’écart pour me dire à l’oreille :

— Miles, ce que je vous ai dit ce soir est tout à fait confidentiel ; c’est un secret de famille.

— Je n’ai pas à me mêler de vos affaires particulières, Rupert ; permettez-moi seulement d’espérer que vous agirez loyalement, surtout lorsqu’il s’agit d’une sœur.

— Soyez tranquille ; tout s’arrangera à merveille. Vous savez ce que je vous ai dit.

Je vis Lucie qui regardait autour d’elle d’un air inquiet, pendant que Drewett était allé faire avancer les voitures, et je me berçai de l’espoir que c’était pour me chercher. En un moment j’étais à côté d’elle ; mais presque aussitôt M. Drewett vint lui offrir son bras, en disant que sa voiture barrait le passage. Nous sortîmes tous ensemble, et alors il se trouva que c’était la voiture de mistress Drewett qui était en tête ; celle de Lucie était derrière. — Oui, celle de Lucie ! la chère fille était entrée en possession de tout ce qui avait appartenu à sa parente, de l’équipage et des chevaux comme du reste. Les armes de la défunte étaient toujours sur la voiture, Rupert n’ayant jamais pu obtenir qu’elle y substituât celles des Hardinge. Mais il s’en vengeait