Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/84

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les rations que lorsqu’il était trop tard. C’est dans cet état qu’ils cherchaient l’île depuis dix jours, passant devant sans s’en apercevoir. Les vents ne les avaient pas favorisés, et, dans les derniers jours, le temps n’avait permis de faire aucune observation ; aussi ne s’étaient-ils pas moins trompés dans leurs calculs pour la latitude que pour la longitude.

Un éclair d’intelligence, et, à ce qu’il me parut, de plaisir, passa sur la figure du capitaine Robbins, quand je l’aidai à monter à bord. Il vit qu’il était en sûreté : il vacilla en marchant et s’appuya lourdement sur mon bras. J’allais le conduire sur le gaillard d’arrière, mais ses yeux tombèrent sur un charnier sur lequel était posé un gobelet d’étain ; il se dirigea de ce côté, et tendit la main vers le gobelet. Je le lui donnai avec un peu d’eau ; il le vida d’un trait, et fit encore quelques pas. Le capitaine Digges vint alors, et fit les prescriptions convenables : à tous les malades on donna de l’eau en petite quantité, et on ne saurait croire avec quelles démonstrations de joie et de reconnaissance ils la recevaient. Dès qu’on eut pu leur faire comprendre la nécessité de la garder aussi longtemps que possible dans leurs bouches et sur leurs langues avant de l’avaler, ils en éprouvèrent un grand soulagement ; après quoi, comme le déjeuner était prêt, nous leur fîmes prendre un peu de café, et ensuite un peu de biscuit de mer trempé dans du vin. Grâce à ces précautions, tout le monde fut sauvé, mais il leur fallut bien un mois pour se rétablir complètement. Quant au capitaine Robbins et à Kite, au bout d’une semaine ils étaient en état de reprendre leurs fonctions, mais on ne leur demanda rien et ce fut de leur plein gré qu’ils cherchèrent à se rendre utiles.


CHAPITRE VI.


Que les vagues écumantes confondent et emportent la navigation !
Macbeth.


Pauvre capitaine Robbins ! à peine eut-il recouvré ses forces physiques qu’il commença à ressentir ces angoisses morales qui étaient inséparables de la perte de son bâtiment. Marbre, qui, depuis qu’il était descendu au rang de second lieutenant, était disposé à être plus communicatif que jamais avec moi, me donna à entendre que notre ancien commandant avait sondé le capitaine Digges pour voir si on