Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



CHAPITRE IX.


Je savais qu’il fallait nous séparer, — aucune jouissance au monde ne pouvait te sauver d’une mort prématurée. Ces yeux éteints, où se lisait pourtant jusqu’au dernier moment toute la tendresse d’une sœur ; ces lèvres si pâles, qui se collaient si doucement sur ma joue, cette voix, — hélas, tu ne pouvais qu’essayer de parler ! — tout prédisent ton destin ; je le sentais au fond du cœur, le coup avait porté. — Je savais qu’il fallait nous séparer.
Sprague.



C’est au retour d’une semblable cérémonie que le sentiment de la perte qu’on a faite se manifeste avec le plus de force. Le corps a été éloigné de nos yeux ; mais le vide qui s’est fait autour de nous n’en a été que plus grand encore. Chaque pas, en nous rappelant un souvenir, ravive une douleur ; et combien je l’éprouvai pendant le peu de temps que je restai encore à Clawbonny !

Je n’avais pas vu Rupert à l’enterrement. Je savais qu’il y était ; mais Lucie et lui avaient su s’y prendre de manière à me dérober sa présence. Jacques Wallingford, qui connaissait mes rapports intimes avec les Hardinge, pensant me faire plaisir, me dit, pendant que nous revenions à la maison, que le jeune M. Hardinge était parvenu, à force de diligence, à arriver à temps pour la cérémonie. Je suppose que Lucie, sous prétexte d’avoir besoin de son bras, avait gardé son frère au presbytère jusqu’à ce que je fusse rentré.

En arrivant, je vis tous nos amis, et je les remerciai moi-même de la preuve d’attachement qu’ils nous avaient donnée. Ce devoir accompli, ils prirent tous congé de moi, à l’exception de Jacques Wallingford, qui me tint compagnie. Quelle maison c’était à présent que Clawbonny ! Les esclaves marchaient sur la pointe du pied, comme s’ils craignaient de troubler le repos de la défunte ; tout bruit, toute dissipation avaient cessé ; et aucun rire joyeux ne se faisait plus entendre.

Aucun des Hardinge ne revint dîner ; le bon ministre m’écrivit un billet pour me dire qu’il viendrait me voir dans la soirée, après que tout le monde serait parti. Je dînai donc tête à tête avec Jacques Wallingford. Mon cousin, dans le but évident de détourner mes pensées de la scène du matin, se mit à me parler des sujets qu’il