Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/152

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les yeux se tournèrent du côté où l’on s’attendait à voir la frégate ; et grande fut notre satisfaction, à mesure que le cercle s’agrandissait davantage autour de nous, de ne point la découvrir. Mais il ne pouvait en être toujours ainsi, puisqu’il était impossible qu’elle fût sortie pour nous des limites de l’horizon naturel. Ce fut, suivant l’usage, Marbre qui l’aperçut le premier. Elle nous restait alors sous le vent, et était à deux bonnes lieues de distance, s’élançant en avant avec la rapidité d’un cheval de course. Par un temps aussi clair, avec une brise aussi forte, lorsqu’il restait encore plusieurs heures de jour, il était inutile de songer à échapper à un bâtiment aussi fin voilier que le Léander, et il ne restait qu’à me fier à la bonté de ma cause. Le lecteur qui voudra bien lire le chapitre suivant verra le résultat de cette détermination.



CHAPITRE XIII.


Qui est-ce qui vient m’importuner ici ? Buckingham ! C’est le roi qui l’envoie, j’en suis sûr. Il faut dissimuler.
Le roi Henri VI.



D’abord la frégate prit un ris à ses huniers, établit les perroquets, et tint le plus près. Mais voyant que nous ne nous mettions pas en devoir d’amener nos bonnettes, elle largua les ris, brassa les vergues carrées, mit ses bonnettes de hune et laissa porter de manière à nous couper le chemin. Arrivée à peu de distance, elle ralentit sa marche, et diminua de voiles comme pour nous attendre. L’Aurore n’en continua pas moins sa route, sans carguer une seule voile. John Bull montra son pavillon, nous en fîmes autant, mais toujours sans nous arrêter. Surpris de notre obstination, il tira un canon de chasse, en ayant soin de ne pas nous atteindre. Je jugeai qu’il était temps de faire une démonstration plus amicale. Je réduisis la voilure aux trois huniers avec les ris pris, et je mis en panne attendant la visite de John Bull.

Dès que la frégate nous vit immobile, elle mit en panne à son tour. Au même instant un canot fut mis à la mer, un jeune aspirant se laissa glisser le long des flancs du navire et y prit place,