Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/167

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Les frégates françaises sont, dit-on, assez nombreuses, et ce lord Harry Dermond, malgré son amour pour le sucre et le café, aimerait encore bien mieux rencontrer la Vigilante ou la Diane. Voilà pourquoi il a donné à Sennit ce tas de conscrits ; et puis il suppose que l’Aurore sera à Plymouth dans quarante-huit heures, ce qui arrivera certainement si ce vent persiste.

— On dirait qu’on les a pris parmi les garçons boulangers de Londres. C’est tout au plus s’il y a trois matelots parmi eux, et les pauvres diables seraient beaucoup mieux placés dans un hôpital que sur une vergue.

Il y avait quelque vérité mêlée à beaucoup d’exagération dans ce portrait tracé par Marbre. Sans doute le capitaine du Rapide n’avait pas fait passer ses meilleurs hommes sur notre bord ; mais ils n’étaient pourtant pas tout à fait aussi novices que Marbre, dans son désir de les exterminer, était porté à se l’imaginer. S’il n’y avait parmi eux que trois marins véritables, comme son coup d’œil, prompt et sûr le lui avait révélé, tous avaient été du moins assez longtemps à bord, pour pouvoir se rendre plus ou moins utiles.

— S’il y a quelque chose à faire, repris-je, c’est sur-le-champ qu’il faut l’entreprendre. Nous ne sommes que quatre contre douze ; mais nous sommes vigoureux, et nous aurons l’avantage d’attaquer par surprise.

— Je suis fâché que vous n’ayez pas songé à demander Voorhees, Miles. C’est un gaillard qui en vaut trois à lui tout seul.

— J’y ai pensé, mais c’était s’exposer inutilement à un refus. On peut demander un cuisinier, un domestique comme Neb ; mais demander un ou deux bons marins, c’eût été montrer le bout de l’oreille.

— Peut-être avez-vous raison, et nous devons nous estimer heureux d’être en force comme nous le sommes. Mais que dira la justice s’il nous faut fracasser quelques crânes pour réussir dans notre entreprise ? Les États-Unis ne sont en guerre avec personne, et il ne faudrait pas donner lieu à une accusation de piraterie !

— J’ai fait toutes ces réflexions, Moïse, et je ne vois pas grand sujet de crainte. Certes, on a le droit de recouvrer par la force ce que la force nous a ravi. Si le sang doit couler, ce que j’espère éviter, les tribunaux anglais, nous traiteraient mal, tandis que ceux des États-Unis nous acquitteraient. Et pourtant la loi est la même dans