Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/207

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que nous supposions et qu’il savait probablement être françaises. Les bâtiments sous le vent venaient de passer à portée de voix l’un de l’autre ; celui qui était à l’est vira de bord immédiatement après, et vint se placer dans les eaux de sa conserve, et tous deux se couvrirent de voiles tout aussitôt. Les frégates qui étaient au sud pouvaient être à deux lieues de nous, et les bâtiments sous le vent, à trois lieues. Quant à la corvette, elle semblait porter droit sur nos mâts. Elle arrivait sous toutes ses voiles parfaitement orientées, l’eau jaillissant de ses écubiers, lorsqu’elle s’élançait du creux d’une lame, et écumant sous ses bossoirs. Elle était à moins d’un mille de distance.

Ce fut alors que la corvette fit des signaux aux bâtiments qui étaient du côté du vent. On y répondit, mais de manière à montrer qu’on ne s’entendait pas. Alors elle tenta la fortune auprès des navires sous le vent, et, malgré la distance, elle fut plus heureuse. Je présume qu’elle demandait le nom des frégates, faisait connaître le sien, et annonçait que les bâtiments au vent étaient des ennemis.

Le moment de la crise approchait pour nous. La corvette vint se placer sous le vent, et largua ses boulines pour ralentir un peu sa marche, afin d’avoir plus de temps pour faire ses questions et recevoir les réponses. Ce fut elle qui, suivant son droit, entama la conversation.

— Quel est ce bâtiment, et où allez-vous ?

L’Aurore, de New-York, Miles Wallingford, capitaine, en destination de Hambourg.

— Le lougre ne vous a-t-il pas abordé ?

— Oui, pour la seconde fois depuis trois jours.

— Quel est son nom, et quelle est sa force ?

Le Polisson, de Brest, de seize canons, et d’environ cent hommes d’équipage.

— Savez-vous quelque chose des bâtiments au vent ?

— Rien ; mais je les suppose français.

— Et, s’il vous plaît, d’où vient cette…

La distance m’empêcha d’en entendre davantage. La corvette cargua ses boulines, et se remit à la poursuite du lougre, sans faire attention aux quatre frégates, quoique les deux qui étaient du côté du vent vinssent d’arborer le pavillon tricolore, et tirassent le canon en signe de provocation.