Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/214

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que le feu avait cessé, les frégates françaises mirent la barre au vent et portèrent au nord, vent arrière, comme si elles invitaient l’ennemi à venir les rejoindre, s’il se sentait disposé à continuer le combat.

Il était temps pour nous qu’un parti fût pris, car les combattants n’étaient plus qu’à un mille de l’Aurore. Il était urgent de leur faire place. Je laissai porter en toute hâte. Quand M. Menneval arriva, ses antagonistes le serraient de près par sa hanche du vent, et à moins qu’il n’eût l’intention de combattre sous le vent, il était urgent pour lui de s’éloigner à son tour.

Cependant sir Hotham Ward était un marin trop expérimenté pour ne pas profiter de l’avantage que M. Menneval lui avait donné. Dès que le commandant français laissa porter, il en fit autant ; mais, au lieu d’arriver vent arrière, il lofa de nouveau à temps, sans avoir touché à ses bras, et traversa le sillage de ses ennemis, en lâchant en poupe une bordée des plus meurtrières. À ma grande surprise, la Désirée continua sa route jusqu’à ce que le Rapide eût envoyé une seconde bordée. Alors la frégate anglaise vira rapidement vent arrière presque sur elle-même, et elle semblait sur le point de recommencer le même manège, quand M. Menneval, voyant qu’il n’y avait qu’à perdre à ce jeu-là, vint au vent, tirant à mesure que ses canons portaient, et le Cerf en fit autant, le cap tourné dans l’autre direction, ce qui détruisait toute espèce d’ensemble dans leurs mouvements. Les Anglais serrèrent au feu, et en une minute tous les bâtiments étaient enveloppes du même nuage de fumée. Nous vîmes encore quelque temps le haut des mâts ; mais bientôt la fumée, en élargissant son cercle, nous en déroba complètement la vue. Les décharges se succédaient rapidement, et l’intérêt que nous prenions était si intense, que nous mîmes en panne malgré toutes les considérations qui auraient dû s’y opposer.

Une heure se passa ainsi, qui me parut un jour, tant il me tardait de connaître l’issue. Quelques boulets étaient venus dans notre direction ; deux même étaient passés entre nos mâts, et c’est à peine si nous y avions fait attention. Enfin le feu se ralentit par degrés, et il finit par cesser entièrement. La fumée, qui était agglomérée sur l’Océan, se leva et se dispersa peu à peu, et le champ de bataille se montra enfin à nos regards avides.

Le premier bâtiment que nous aperçûmes fut notre vieille connais-