Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/245

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peine ; il était impossible d’y atteindre en dedans du bord, les porte-haubans de misaine étant presque toujours submergés, et tous les plats-bords de ce côté ayant été emportés ; il n’y avait aucun moyen de rester là assez longtemps pour couper toutes les rides. Marbre, qui jamais ne calculait le danger, quand il y avait à grimper quelque part, voyant qu’il y avait moyen de marcher sur la hune, sans me dire un seul mot, saisit une hache, et courut littéralement sur le mât, où il se mit à couper le capelage. Il en fut bientôt venu à bout, mais le mât ne fut pas plus tôt dégagé que, entraîné par une lame qui faillit noyer Marbre, l’extrémité de ce mât glissa du gaillard d’avant dans la mer, entraînant tous les débris, mais, avec eux, mon pauvre lieutenant. Cependant, en coupant les cordages, le bras sous le vent du petit hunier avait été oublié, je ne sais comment, de sorte qu’il était encore attaché au bâtiment. Éprouvant cette résistance, la masse flottante évita lentement autour de cette amarre, qui la retenait à peu de distance du bâtiment.

C’était une nouvelle et sérieuse péripétie. Je savais que tout ce qu’un homme peut faire, Marbre le ferait dans sa position terrible ; mais comment nager contre une pareille mer, quelque peu considérable que fût la distance entre le navire et les débris ? La partie de ces débris la plus rapprochée de l’Aurore était le bout de la vergue de hunier à laquelle tenait le bras, l’autre bout du bras se trouvant encore à la tête du grand mât, et il était soulevé hors de l’eau par la force de la traction, parfois à plusieurs brasses de hauteur, ce qui rendait extrêmement difficile pour Marbre d’atteindre la corde à l’aide de laquelle je voyais maintenant, qu’en dépit de tous les obstacles, il espérait regagner le bâtiment. Comme le sifflement du vent et le mugissement de la mer avaient sensiblement diminué depuis quelques heures, il était possible de se faire entendre de quelqu’un placé directement sous le vent, je dis donc à Marbre ce que je comptais faire.

— Tenez-vous prêt à saisir le bras, dès que je le mollirai du bord ! m’écriai-je ; alors vous serez sauvé !

Marbre me fit signe de la main qu’il me comprenait. Quand nous fûmes prêts l’un et l’autre, je mollis vivement la corde, et Marbre fit si bien, en s’escrimant des pieds et des mains, qu’il était parvenu à saisir le bras, quand la corde fut retirée tout à coup hors de l’eau par le mouvement des débris, qui, en s’éloignant, la raidirent de