Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/254

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animal gigantesque pendant son sommeil. Le frottement des débris contre la carène du bâtiment m’annonça qu’ils étaient toujours là, avant que j’eusse quitté mon lit improvisé. Il n’y avait pas littéralement un souffle de vent ; parfois le navire semblait se soulever un peu pour respirer, lorsqu’une grosse lame de fond roulait le long de ses flancs ; autrement tout était tranquille. Je tombai de nouveau à genoux, et j’adressai ma prière à celui avec lequel il me semblait que j’étais seul à présent dans l’univers.

Jusqu’au moment où je me relevai, la pensée de faire un effort pour me sauver ou pour essayer de prolonger mon existence de quelques heures, à l’aide de ce radeau tout fait, ne s’était pas encore présentée à mon esprit ; mais quand je vins à regarder autour de moi, que je remarquai l’aspect tranquille de la mer, que je calculai les chances de salut, quelque faibles qu’elles fussent, l’amour de la vie se réveilla en moi, et je me mis sérieusement à faire les dispositions nécessaires.

Mon premier soin fut de sonder de nouveau les pompes ; l’eau n’avait pas fait autant de progrès pendant la nuit que pendant le jour précédent ; cependant elle était encore montée de trois pieds, preuve évidente qu’il existait une voie d’eau que je n’avais aucun moyen de boucher. Il était donc inutile de songer à sauver le bâtiment ; à peine resterait-il à flot assez longtemps pour me permettre d’achever mes préparatifs.

Il y avait peu de chose à changer à la manière dont le radeau se trouvait disposé par hasard ; seulement je réfléchis qu’en mettant les mâts de perroquet et de cacatois avec leurs vergues autour de la hune, je pourrais, à l’aide des panneaux d’écoutille, établir une plate-forme, sur laquelle je serais complètement hors de l’eau dans les temps calmes, et où je pourrais placer des provisions au moins pour un mois. Ce fut un travail qui demanda plus de temps que d’efforts. Je fus obligé de me mettre à l’eau plusieurs fois, mais l’air était chaud, et ce bain me rafraîchit. En deux heures de temps, mes deux mâts étaient en place et solidement amarrés à la hune.

Il ne me restait plus qu’à placer les panneaux et à les assujettir ; la chose n’était pas difficile, et, avant midi, j’avais une petite plate-forme solide, élevée de dix-huit pouces au moins au-dessus de l’eau, et entourée d’une ceinture de cordages pour empêcher les objets qui y seraient placés de tomber à la mer. Il fallut ensuite