Auparavant, le bâtiment m’abritait en quelque sorte ; sa présence était une protection pour moi ; ses mâts pouvaient appeler l’attention de quelque navire, qui eût passé près du radeau sans l’apercevoir. Maintenant ces faibles consolations m’étaient retirées. Les réflexions les plus lugubres venaient m’assaillir, et elles interrompirent même malgré moi ma prière du matin. Après avoir accompli cependant, le moins mal possible, ce devoir de tous les jours, je pris un peu de nourriture, quoique je doive avouer que ce fut avec peu d’appétit. Ensuite j’arrimai de mon mieux mes effets ; Je gréai et je mis en place le mât, et je hissai la voile pour servir de signal. Je pensais que le vent ne se ferait pas attendre, et je ne me trompais pas. Vers neuf heures, une brise modérée s’éleva du nord-ouest. Ce fut un grand soulagement pour moi ; elle calma la fatigue que me faisait éprouver l’ardeur dévorante d’un soleil d’été, elle rafraîchit mes sens, et jeta quelque variété dans une scène dont la sombre monotonie pesait sur moi comme un linceul de plomb.
CHAPITRE XXIII.
ès que le radeau se fut mis en marche vent arrière, il me fut
possible d’apprécier quels services je pouvais en attendre. La voile
de perroquet volant était grande et elle tenait bien. J’avais apporté
avec moi une ligne de lok, un sablier, un quart de cercle, une
ardoise, etc., et je commençai à songer à estimer la route. Quand
j’avais été pris de calme, j’avais supposé que l’Aurore était à deux
cents milles de la terre. La ligne de lok m’apprit que le radeau avançait
alors à raison d’un demi-nœud par heure ; ainsi donc, si je