CHAPITRE XXIV.
e Breton n’était sorti de la baie de Cork que depuis quelques
jours, et ses instructions portaient de gouverner à l’ouest pendant
quelques centaines de milles, et de croiser dans ces parages pendant
trois mois pour protéger les bâtiments qui revenaient des provinces
américaines ; et il y en avait un grand nombre à cette période si
récente de la guerre. Cette nouvelle n’avait rien d’agréable pour
nous qui avions espéré d’être débarqués immédiatement dans quelque
port, et qui avions pensé dans le premier moment, en voyant la
frégate forcer de voiles dans la direction de l’ouest, qu’elle se rendait
à Halifax. Mais comme il n’y avait point de remède, il fallut
bien en prendre son parti. Le capitaine Rowley nous promit de nous
mettre à bord du premier bâtiment que nous rencontrerions, et
c’était tout ce que nous étions en droit de lui demander.
Plus de deux mois se passèrent sans qu’une seule voile fût signalée. Ce sont de ces vicissitudes auxquelles le marin est exposé : tantôt il se trouve au milieu d’une forêts de mâts ; dans d’autres moments l’Océan semble lui être abandonné à lui seul. Le capitaine attribuait cette solitude à la guerre, les bâtiments se réunissant en convoi, et ses instructions l’avaient envoyé trop au nord pour qu’il pût rencontrer les navires américains en destination de Liverpool. Toutefois, quelle que fût la cause, le résultat était le même pour nous. Après les coups de vent de l’équinoxe, le Breton gouverna au sud, ainsi que le portaient encore ses instructions, jusqu’à Madère ; et, après une croisière de trois semaines dans les parages de cette île, il se dirigea vers Plymouth. Pendant tout ce temps, la frégate avait abordé en tout une trentaine de bâtiments, tous neutres, dont aucun n’était chargé pour un port qui nous convînt. La provision d’eau de la frégate touchant à sa fin, elle était obligée de rentrer, et, comme je l’ai dit, elle cinglait vers le nord. Dans l’après-midi même du