Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/316

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— Voilà un regard qui lève tous mes scrupules, Lucie ; je promets tout ce que vous pouvez demander.

L’émotion de la chère enfant était devenue si vive qu’elle fondit en larmes dès que son esprit fut soulagé, et elle se couvrit le visage de ses deux mains. Ce ne fut cependant qu’une impression passagère, et un radieux sourire dissipa bientôt toute trace de chagrin.

— À présent, Miles, je suis sûre que vous ne resterez pas longtemps dans cet horrible lieu ; et une fois dehors, nous aurons le temps de prendre des arrangements convenables. Je ne tarderai plus longtemps à atteindre ma majorité, et vous consentirez bien du moins à ce que je devienne votre créancière à la place de cet odieux M. Daggett.

— Chère Lucie, il n’y a rien que je ne sois disposé à vous devoir, de préférence à toute autre créature au monde, sans en excepter votre respectable et bien-aimé père.

Une expression de vive satisfaction se peignit dans les traits de Lucie ; et je vis encore un de ces sourires inexplicables que j’avais déjà remarqués plusieurs fois se jouer autour de ses lèvres charmantes. Mais tout à coup un air de tristesse se répandit sur sa physionomie, et elle me dit les larmes aux yeux :

— Miles, je crains d’avoir compris votre allusion quand vous avez parlé de Rupert et de sa fortune. Je connaissais trop bien la bonne, l’excellente Grace, pour que rien m’étonne de sa part, et je sais aussi que vous auriez donné jusqu’à votre dernier dollar pour remplir ses intentions. Je m’étonne que cette idée ne me soit pas venue plus tôt, mais il est si pénible de penser mal d’un frère ! Je ne vous fais point de questions, car je vois que vous n’y répondriez pas ; mais je ne pourrais vivre sous l’impression d’une pareille honte, et le jour où j’aurai vingt et un ans il faudra que cette dette sacrée soit acquittée. Je sais que la fortune de Grace montait à plus de vingt mille dollars ; cette somme suffira pour payer tout ce que vous devez, et vous fournira encore les moyens de faire quelque nouvelle entreprise.

— Et quand même ce que vous vous imaginez serait vrai, me croiriez-vous l’âme assez vile pour accepter ?

— Et moi, pourrais-je jamais supporter la pensée qu’un membre de notre famille a votre argent pendant que vous êtes en prison et poursuivi pour dettes ? Non, il n’y a qu’une seule chose qui pourrait