de faire les choses avec le moins de bruit et d’apparat possible. Lucie allait ainsi au-devant de mes désirs ; je m’empressai de le lui écrire ; et une semaine après, je quittais le comté de Genessee, après avoir terminé mes affaires à ma satisfaction. Personne n’avait songé à me susciter des entraves, et j’avais été reconnu partout comme le seul et unique héritier de mon cousin.
CHAPITRE XXIX.
e m’arrêtai à Willow Cove pour prendre Marbre. Mon vieux
compagnon était dans la joie de son cœur. Il passait toute la journée
à faire de longs et merveilleux récits de ses aventures à tout le pays
d’alentour. Mon lieutenant était au fond un homme vrai ; mais il ne
pouvait résister à la tentation de faire ouvrir de grands yeux aux
badauds des environs ; et il réussit au gré de ses souhaits, car longtemps
après on ne parlait encore partout que de ses prouesses et
de ses souffrances.
Moïse fut ravi de me voir, et, après une nuit passée dans la maisonnette de sa mère, je pris avec lui le chemin de Clawbonny dans la vieille voiture de famille qu’on avait envoyée pour moi à Willow Cove. Tous ces objets des anciens temps avaient un prix infini à mes yeux, et je ne pus retenir un mouvement d’attendrissement en reconnaissant le vieil attelage ; mais mon émotion redoubla quand, arrivé au sommet d’un plateau, je découvris les plaines et les bâtiments de Clawbonny ! Tous ces biens, je les avais crus à jamais perdus pour moi, et l’impression que j’en avais ressentie ne s’effacera jamais complètement. Auparavant tout me rappelait ma détresse ; à chaque maison devant laquelle je passais à New-York, je pensais amèrement que je n’avais plus d’asile ; la vue de chaque boutique réveillait en moi des sentiments non moins pénibles. À présent, je reprenais possession de mon univers à moi, de ce qui,